
Connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, cet observatoire de la vie publique a parlé des conditions d’un véritable changement. Il s’agit, entre autres, de la culture de l’impunité, des collectivités territoriales décentralisées, des parlementaires et des partis politiques.
Le SeFaFi a apporté ses premiers regards critiques depuis l’avènement du régime en place. De prime abord, il a souligné que la culture de l’impunité s’est généralisée, du haut en bas de l’échelle sociale. Les délits ne sont plus sanctionnés et quand ils le sont, les sanctions ne sont pas appliquées. Cette situation génère la corruption, décrédibilise le système judicaire, éclabousse les forces de l’ordre et suscite les vindictes populaires. Un régime incapable de sanctionner et d’appliquer les sanctions, quel que soit le contrevenant, est condamné à l’inefficacité et à l’hostilité des citoyens. Toujours d’après le SeFaFi, le changement d’appellation des Chefs de région en « Gouverneurs », ainsi que leur nomination par le Chef de l’État, n’est pas conforme à la Constitution.
Effets néfastes. Il estime, en outre, que le président Ratsiraka est à l’origine de la politisation des forces armées, dont les effets néfastes sont plus visibles que jamais. Or les militaires, tout comme les membres de la société civile, ne font pas partie de la société politique. Il n’est pas normal que le Président de la République soit en même temps président du Conseil Supérieur de la Magistrature : cette situation contrevient au principe fondamental de la séparation des pouvoirs. Il faudra donc modifier l’article 107 de la Constitution pour supprimer cette anomalie. Quant à l’action de l’exécutif, elle est freinée ou arrêtée à chaque changement de ministre ou de responsable du ministère. Estimant que son prédécesseur n’a rien fait de valable et indifférent à la compétence et à l’expérience des techniciens en place, le nouveau venu installe « ses hommes à lui » et impose sa méthode de travail et ses objectifs. Il est urgent que les responsables ministériels sachent faire la différence entre les politiques et les techniciens.
Lois liberticides. Enfin, il juge que les lois liberticides devront être remaniées d’urgence. Au premier rang d’entre elles, le « Code de la communication et loi sur la cybercriminalité ». Ces textes visent à empêcher l’expression de toute critique, perçue comme une diffamation punissable de fortes amendes ou de peines d’emprisonnement. Criminaliser la liberté d’expression est inadmissible, il faut y mettre un terme. Au sujet du Code électoral, SeFaFi pense qu’il constitue l’un des plus importants chantiers à finaliser au plus vite. Lors de la dernière élection, le fiasco le plus scandaleux de la CENI a été le bricolage de la liste électorale qui, en dépit des protestations répétées du SeFaFi et de la société civile, a exclu du vote entre 2 à 3 millions de citoyens. L’établissement d’une liste fiable s’impose avant l’organisation de tout autre scrutin si le nouveau pouvoir veut rendre crédibles les élections à venir. À ce propos, il serait grand temps de rendre public les résultats du recensement RGPH3… Cet observatoire de la vie publique s’interroge aussi sur le devenir des quelques 200 partis politiques officiellement déclarés. « Réalité grotesque, qui montre à quel point l’idéal du bien commun est détourné par nos politiciens au profit de leurs intérêts particuliers. Nous sommes encore dans ce que Maurice Duverger qualifie de préhistoire du multipartisme », a-t-il soutenu. Et de conclure que la seule façon de prévenir les tensions et les crises à venir sera de suivre la voie d’un vrai dialogue qui aboutira à chaque fois à des décisions responsables, mais intelligibles et expliquées.
Recueillis par Dominique R