
Passionnant, le graffiti permet également de gagner sa vie. Interview avec BM Souljah, un des pionniers du genre à Madagascar
Midi Madagasikara : Vous êtes un artiste connu dans le milieu « underground » du « street art » malgache, mais présentez-vous brièvement afin que le grand public vous connaisse mieux.
BM Souljah : BM Souljah, « artiste peintre graffeur » spécialiste en lettrage et formes graphiques en 3D, ou ethniques (comme les motifs tribaux et les mandalas, etc.). Je suis également « beat boxer » et membre du collectif Jamerla Koonaction depuis sa création en 2008.
M.M : Etant une passion à la base, le métier « d’artiste peintre graffeur » fait-t-il vivre à Madagascar ?
BM : Oui sans hésitation. Il importe seulement de savoir frapper là où il faut en proposant l’offre adéquate, de satisfaire la demande tout en entretenant de bonnes relations avec les collaborateurs et les clients. Par-dessus tout, il faut aimer ce que l’on fait, évoluer constamment et persévérer !
M.M : Comment êtes-vous « tombé » dedans ?
BM : J’ai découvert le graffiti à l’âge de quinze ans en feuilletant des magazines de rock. Ayant vécu 5 ans à l’île de la Réunion, j’ai eu la chance d’admirer les œuvres de street art au quotidien, car la culture urbaine était déjà bouillonnante et reconnue là-bas. De retour à Mada, j’ai rencontré Rina, Naty Kaly et Clipse Teean qui partagent la même passion pour le street art. Depuis on a commencé à orner les murs d’Ampefiloha de nos empreintes et on ne s’est plus arrêté !
M.M : Présentez-nous votre collectif Jamerla Koonaction.
BM: Il s’agit d’une association regroupant les jeunes du quartier d’Ampefiloha autour de plusieurs disciplines artistiquesdont la musique, les arts visuels et la peinture urbaine. On a acquis notre notoriété de fil en aiguille, grâce à notre passion, notre ténacité et la qualité de notre travail. On promeut également l’éducation artistique des jeunes afin de lutter contre la délinquance.
M.M : Parlez-nous un peu plus de cette visée éducative du collectif.
BM : Convaincus que la délinquance provient d’énergies négatives résultant de frustrations accumulées, faute de considération et de liberté d’expression, nous proposons l’art comme moyen d’expression, voire comme thérapie. Concrètement, nousavons participé au Festival de l’Art Urbain avec la galerie Is’Art, spécialisée en art contemporain. Nous avons également collaboré avec l’IMV (Institut des Métiers de la Ville) et la CUA (Commune Urbaine d’Antananarivo) pour la réalisation de la fresque murale ornant un pan de la façade du stade de Mahamasina, à travers laquelle nous exprimions notre vision de la ville de demain.
M.M : Vous avez cité jusque-là des projets ponctuels, Jamerla Koonaction intègre-t-il des projets « permanents » ?
BM : Oui. Tous les ans avec Idées Madagascar, une association regroupant des étudiants ingénieurs à Paris, nous embellissons les murs des écoles de la commune rurale d’Alakamisy Ambohimaha, tout en sensibilisant les écoliers aux arts visuels.
M.M : Quel(s) projet(s) concoctez-vous en ce moment ?
BM : Nous sommes actuellement sur un projet intitulé « Rangotra » qui ambitionne de transformer Tanà en une « galerie à ciel ouvert ». Les principaux concepteurs sont Rina et Naty Kaly.
M.M : Que pensez-vous de la situation actuelle du « street art » à Madagascar ?
BM : Le « street art » est encore méconnu. Beaucoup reste à faire, comme la sensibilisation du public et des acteurs culturels, sans oublier le partage avec les jeunes générations. Le « street art » souffre également d’un déficit au niveau de la mise en valeur, comme tant d’autres disciplines artistiques à Madagascar. Toutefois,c’est bien parti et le meilleur reste à venir !
M.M : Merci pour cet échange convivial et nous vous souhaitons beaucoup de bonnes vibes pour la suite !
B.M : Merci à vous, le plaisir est partagé ! Jah bless.
Recueillis par Luz R.R