Midi Madagasikara. Pourquoi les Etats Unis prennent ce genre de mesure pour un pays comme Madagascar ?
Pr Hery Ramiarison (HR). Avec sa grande puissance dans le secteur financier, l’économie américaine tend naturellement vers la consommation, plutôt que vers la production. C’est aussi le cas du Royaume-Uni, par exemple, qui affiche une bonne performance dans les finances et qui abandonne petit à petit l’industrie. Cependant, les Etats-Unis ne veulent pas abandonner l’industrie et prend des mesures protectionnistes. Ce comportement n’est pas nouveau. Lorsqu’ils avaient une longueur d’avance et étaient les seuls à avoir des avantages compétitifs sur le marché international, ils ont préconisé le libre-échange et le libéralisme. Mais aujourd’hui, la donne a changé. Cela s’est déjà produit au XIXe siècle lorsque l’économiste Friedrich List a lancé le concept d’industrie naissante. Ou encore avec l’accord de Plaza en 1985 qui visait à déprécier le dollar par rapport aux monnaies de quelques pays comme le Japon et l’Allemagne, lorsque l’économie américaine affichait un déficit commercial important. Cela a permis aux produits américains de gagner en compétitivité. Bref, les Etats-Unis étaient toujours protectionnistes, pour défendre leurs intérêts et imposent des mesures de ce type. Ils ont établi un mécanisme et nous sommes visés dans le lot. C’est la loi du plus fort.
MM. Mais les Etats-Unis ne sont-ils donc pas compétitifs aujourd’hui ?
HR. Il y a plusieurs facteurs qui nuisent à leur compétitivité, à l’exemple des coûts de transport, ou encore des coûts élevés de la main d’œuvre. Si on considère les consommateurs malgaches avec un faible pouvoir d’achat, il est plus difficile de commercialiser des produits américains, par rapport à d’autres produits. De son côté, la société américaine est surtout une société de consommation, si l’on parle de secteur réel. Pour les Etats-Unis, l’objectif de cette décision est tout simplement d’attirer les investissements étrangers et d’améliorer leur compétitivité.
MM. Comment ils évaluent les barrières commerciales ?
HR. Ils ont appliqué ce calcul à partir du déficit commercial, car ils considèrent que ce déficit est causé par des barrières commerciales non tarifaires qui peuvent être liés aux normes, à la manipulation des changes ou à d’autres contraintes d’ordre administratives, outre les taxations directes.
MM. Quels pourraient être les impacts de cette taxation américaine et y aurait-il des solutions ?
HR. Il est clair que la situation est grave. Si nous perdons le marché américain, et surtout si l’AGOA ne sera pas prolongé, des grandes firmes devront fermer leurs portes. Dernièrement, les entreprises franches ont cherché tous les moyens pour réduire leurs coûts afin de rester compétitif sur le marché américain. Avec une taxation de 47%, nous allons juste perdre ce marché. Les pertes d’emplois s’en suivront. L’entrée de devises va baisser considérablement. L’ariary va se déprécier et l’inflation sera inévitable. Les impacts sur la balance des paiements seront graves. Mais nos dirigeants pourront toujours négocier. Une des pistes à voir est d’essayer de gagner l’appui des sénateurs américains. Cela a fonctionné pour le Canada.
Recueillis par Antsa R