Il se lève le matin en ayant en tête les ritournelles questions, « Vais-je rentrer ce soir ? Et dans quel état ? Ou vais-je finir à l’hôpital ou bien coincé dans un cercueil au milieu de la cour d’honneur de mon Corps ? » S’il avait lu un article paru dans le quotidien parisien « Libération » du 11 avril 2006 intitulé « La complainte des serpillères de la République », il aurait vu qu’il est logé à la même enseigne que son vis-à-vis de là-bas. Mais hélas, notre béret noir, rouge ou gris, qu’importe, ne peut pas dire comme son collègue français : « Je suis flic et je suis là pour tout le monde, les contents comme les pas contents ». Pour lui, il semble qu’on lui ordonne de s’acharner uniquement sur les pas contents sans considération de leur situation, jeunes, vieux, pauvres, riches. Ils n’ont qu’à changer d’humeur, donc semblent dire les ordres. Dans sa tête, notre compatriote doit se dire qu’à force de formation, il doit se répéter et doit se satisfaire de lire « C’est notre travail d’assurer la sécurité des gens… ». Mais il n’arrive plus à suivre en voyant la suite « …, le droit de manifester », lui à qui, tant de fois, on a martelé que tout manifestant n’est pas potentiellement pour l’ordre public, là pour lui c’est le monde à l’envers et pourtant il a en commun avec le policier français le fameux « Nous sommes le dernier rempart des institutions ».
Dans le même article, un porte-parole d’un syndicat de policiers de dire : « La police n’a pas vocation à répondre à un problème politique quand l’Etat est fragilisé » … « On ne veut pas servir de bouc émissaire entre le gouvernement et la société… ». Le nôtre peut sentir la même frustration mais à qui peut-il se plaindre quand, entre l’Etat, le gouvernement et le parti dominant, il n’y a pas de lignes de démarcation. Quand le ministre et le chef de parti sont sur le terrain pour mener les opérations, ceux d’en face, ne peuvent que penser qu’il y a confusion de genres et les mettent dans le même sac. Les adeptes de la matraque ne peuvent ainsi qu’engendrer des férus de la caillasse. Quand l’administration (y compris celle de la sécurité publique) censée être neutre, fait partie intégrante de l’Etat-parti, peut-il y avoir de dialogue possible. Dans tout ça, les forces de l’ordre deviennent automatiquement des boucs émissaires sur qui on jette l’opprobre. La seule légitimité de l’emploi de la force est, certes celle détenue par l’Etat, mais quand son bras armé n’a pas la possibilité d’utiliser une baïonnette intelligente parce que bâillonné, les pavés deviennent un champ de bataille et les forces de l’ordre, un outil de répression.
M.Ranarivao