A cœur ouvert avec le champion de France Fy Rakotomaharo. 1er joueur jeune en Afrique, 46e mondial, c’est le classement actuel de notre champion. Bientôt sur ses 17 ans, Fy Rakotomaharo sait ce qu’il veut dans la vie. Et surtout en jeu d’échecs. Ou du moins, il sait de quoi il parle. Interview.
Midi Madagasikara : « Qu’apporte le titre de champion de France pour un joueur professionnel ? »
Fy Rakotomaharo, champion de France de jeu d’échecs 2016 : « Je ne sais pas si on peut me souligner en tant que joueur professionnel, car je ne fais pas que ça dans la vie pour l’instant. Juste le fait de jouer le championnat de France jeunes était un honneur pour moi. Alors pour le titre de champion de France, c’est une immense fierté. Ce titre m’a donné encore plus de confiance et de nouvelles expériences pour le futur »
M.M. : « Comment a été la préparation ? »
F.R. : « J’ai été prévenu depuis mes deux dernières années de championnat de France jeunes. Alors j’ai commencé à me préparer physiquement ce qui était souvent mon point faible, car on en a besoin d’endurance pour faire la différence lors des parties qui durent plus de cinq heures. Je n’avais pas spécialement préparé le « championnat de France jeunes » proprement dit, mais je faisais juste mon entraînement régulier de 1h30 à 2h par jour. Le plus dramatique, c’est que j’ai été découragé six mois à l’avance en apprenant que le championnat se déroulera pendant la semaine de cours, donc j’étais incertain d’y participer ! Mais j’avais demandé au directeur de mon lycée et il m’avait donné le feu vert, du coup j’étais très content! »
M.M. : Qui vous a préparé ?
F.R : « Pendant le championnat j’ai été entraîné par le Grand Maître français Sébastien Maze. Il est capitaine de l’équipe de France adulte et il fait partie du top 10 des joueurs français. Il m’avait beaucoup aidé pour me préparer psychologiquement, physiquement aussi : on faisait du foot tous les matins ainsi que dans le jeu. Alors je le remercie infiniment »
M.M. : « Votre classement par rapport au Mondiaux de ce jeu ? »
F.R. : « Tous les mois, la fédération internationale des échecs (FIDE) donne un classement au niveau national, continental et mondial pour tous les joueurs d’échecs. Cela fait depuis quelques années que je suis numéro un malgache en toute catégorie. En Afrique, je suis classé numéro 1 chez les -18ans et 12e en toute catégorie. Dans le monde, je suis classé 46e chez les -18ans. 2424 est mon vélo pour ce mois d’avril ».
M.M. : « Votre avenir dans ce sport cérébral ?
F.R. : « Cela va dépendre de mon niveau du jeu d’échecs d’ici à quelques années. Je vais m’entraîner beaucoup plus que d’habitude et je vais essayer d’obtenir le titre de Maître international d’ici à la fin de l’année. Pour l’instant, je ne peux rien dire de mon avenir, car je n’ai pas d’idées. Je me mets juste en tête que je continuerai toujours mes études aussi bien que les échecs ».
M.M. : « Où en sont vos études ? »
F.R. « Je suis actuellement en 2nde au lycée Romain Rolland dans la ville de Goussainville à 20 minutes de Paris ».
M.M. : Donc vous vivez loin de vos parents ?
F.R. « Je tiens à remercier mes parents Yves et Lanto, car c’est en grande partie grâce à eux que je progresse beaucoup dans ce jeu. Tous ces sacrifices qu’ils ont faits pour moi…Je trouve que pour les parents, il faut vraiment être courageux d’envoyer leur fils si tôt pour qu’il aille continuer sa passion à l’étranger. En parlant de mes parents, je m’adresse également à mon petit frère Loïc, à toute ma famille, mes proches, mes amis. Je vous remercie, car c’est grâce à vos encouragements que je trouve mes motivations, surtout dans les moments les plus difficiles. Et cela fait vraiment la différence ».
M.M. : « Comment vivez-vous en fait ? Beaucoup de gens pensent qu’un spécialiste de jeu d’échecs a une vie spéciale. Est-ce le cas? »
F.R. : « Je vis à peu près comme une personne normale. Je vais au lycée, je m’amuse avec mes amis(es). J’aide ma famille à faire le ménage à la maison. Je cuisine. Un spécialiste ou un joueur de haut niveau voire professionnel n’a pas vraiment une vie spéciale je trouve. Il a juste certaines capacités qu’une simple personne qui joue aux échecs ne possède pas et qu’une personne normale ne possède pas également. Je pourrais citer par exemple, au niveau de la mémoire, un joueur d’échecs aura plus de facilités qu’une personne qui ne joue pas. Au niveau de la compréhension du jeu d’échecs, un « spécialiste » ou un joueur de haut niveau comprendra mieux ce qui se passe sur l’échiquier qu’un joueur amateur ou un simple joueur. J’ai eu l’occasion de rencontrer plusieurs joueurs professionnels, mais tous ont une vie normale. C’est possible que parfois les gens peuvent dire que les joueurs d’échecs sont bizarre car n’importe où, quand deux joueurs d’échecs se rencontrent, ils peuvent parler d’une partie d’échecs à l’aveugle, c’est-à-dire sans qu’il y ait un échiquier à leurs yeux, mais juste en imaginant dans leur tête ce qui se passe, les coups etc. Et dans la vie en société, cela peut paraître bizarre, mais pour les joueurs d’échecs c’est tout à fait normal ».
Anny Andrianaivonirina