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mardi, juillet 8, 2025
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José Rakotomavo : Pour une période de pause apaisée

Docteur en physique, José Rakotomavo propose une formule pour la refondation nationale.

Figure marquante du « Vondrona Antanimena », un cercle de réflexion issu de la société civile, l’ancien député et ex-ministre avance l’idée d’une transition qui ne dit pas son nom. Interview.

CHANGEMENT RADICAL

Midi : Quel est votre regard sur la situation socio-économique actuelle ?

José Rakotomavo: « Bien que les Institutions de la République soient mises en place et normalement fonctionnelles, des voix s’élèvent, pas toujours mal intentionnées d’ailleurs, pour dénoncer les violations manifestes et répétées de la Constitution. Il semblerait même que ces pratiques auraient tendance à se répéter devenant manifestes et une pratique courante. De ce fait, l’Administration finit par perdre la confiance du peuple au point de discréditer complètement les gouvernants, tant au niveau qu’au plan international. Ce genre de dérives finissent par agacer la population et tendent à justifier les revendications qui se font de plus en plus entendre en devenant souvent très virulentes, pointant du doigt la mauvaise gouvernance. Des voix s’élèvent, pas uniquement au sein de l’Opposition mais aussi au sein de la société civile pour réclamer un changement radical. Tout ceci au milieu d’une lutte âpre qui transparaît au sein de l’équipe dirigeante, fragilisant ainsi le pouvoir en place ».

Midi : Vous voulez parler de la corruption ?

José Rakotomavo: « Oui on peut en parler. C’est un phénomène récurrent qui n’est pas propre à Madagascar. Pour autant, c’est un fléau contre lequel il faut lutter car il pourrait être une des causes de notre appauvrissement. La corruption entrave le bon fonctionnement de notre Administration dans son ensemble. On peut déplorer son existence et la banalisation de sa pratique dans notre quotidien. Elle gangrène tous les secteurs d’activité qui sont ainsi paralysés à leur tour. Les chiffres énoncés par les experts mondiaux en 2024 traduisent la détresse de la population, car avec une croissance estimée à 4 %, il apparaît que 80 % de la population vivent avec moins de 2,15 $ US par jour (seuil de pauvreté), qui se traduit par cette grande inégalité sociale et spatiale en termes de développement. L’accès à des droits fondamentaux notamment la nourriture, l’eau potable, le service de santé, l’éducation devient de moins en moins aisée à cause d’une gestion des ressources publiques que d’aucuns qualifieraient d’inefficace, ainsi que d’une mise en œuvre difficile des visions souvent non réalistes et non pertinentes. L’augmentation du taux de chômage en général, la croissance de la pauvreté dans l’ensemble du pays sont autant de signes qui montrent notre sous-développement ».

CONTEXTE DIFFICILE

Midi : Comment jugez-vous la capacité de résilience des Malgaches ?

José Rakotomavo : « Dans ce contexte plutôt difficile et morose tant sur le plan mondial qu’à l’échelle nationale, la population malagasy fait preuve de patience et d’une forte capacité de résilience. En réalité, les différentes périodes houleuses qui ont traversé l’histoire récente de notre pays n’ont fait qu’appauvrir notre Nation. Ce terrible constat l’amène à aspirer à une nouvelle ère de stabilité politique plus propice au développement, rejetant les pratiques de troubles par des manifestations massives dans la rue, somme toute stériles. Ceci doit nous interpeller tous, surtout ceux qui, à un moment ou un autre de leur vie professionnelle, ont eu la tâche de diriger ce pays à quelque niveau que ce soit. Il ne s’agit plus d’accuser ni de se disculper; il n’y a ni de coupables ni d’innocents car tous sont responsables. Il s’agit maintenant de prendre exemple sur cette population courageuse et qui attend beaucoup de ses dirigeants en se mettant tous ensemble pour relever le défi de relancer l’économie et rendre ce pays prospère pour le bonheur de tous les malagasy. Pour ce faire, la nécessité d’un changement radical doit avoir lieu au niveau de la gouvernance et de la gestion des affaires de l’Etat »..

PERSPECTIVE D’AVENIR

Midi : Votre démarche se situe dans quelle perspective ?

José Rakotomavo : « Notre démarche se situe dans le droit chemin déjà tracé lors des différentes concertations ayant eu lieu tant au niveau régional que national, qui ont réuni des participants de toutes les professions et confessions, sans exclusive, venus de tous les coins de l’île, menées sous l’égide des Églises chrétiennes unies au sein du FFKM, qui ont abouti à des résolutions validées par l’ensemble des participants (4 F) en 2013 et en 2023. Ayant reçu l’adhésion d’une large majorité de la population (Chrétiens, Musulmans, et autres..) et nullement contestées par les autres confessions, nous estimons, avec les chefs d’Église, qu’il est grand temps maintenant de mettre en pratique ces résolutions très pertinentes qui, jusqu’à ce jour sont rangées dans les oubliettes, afin que l’on puisse sortir de cette période de crise actuelle. Forts de leur aura dans leur fief respectif, Les Ray aman-dReny traditionnels apporteront leur contribution active dans cette démarche qui se veut nationale ».

Midi : Pareille démarche ne s’annonce-t-elle pas difficile ?

José Rakotomavo : « L’approche pacifique se veut inclusive, loin de tout esprit de vengeance pouvant émaner de quelque camp que ce soit, privilégiant le dialogue aux confrontations violentes et actions extrêmes pouvant diviser les forces vives unies et solidaires autour de ce projet. Il faut initier une nouvelle démarche pour une réconciliation appropriée au contexte, acceptées par tous ; suivies les réparations et indemnisations des victimes des différents conflits qui ont eu lieu ; opérations laissées en suspens par les différents gouvernements qui se sont succédé auparavant. Un budgety afférent devra être arrêté pour assurer son effectivité ».

Midi :Comment tout cela va se faire concrètement ?

José Rakotomavo : « Il s’agit de regrouper toutes les forces vives disponibles et de s’entendre sur la mise en place si besoin est, d’un gouvernement de consensus. Une sorte de gouvernement pour le salut de la patrie. Dans cette démarche, il est nécessaire d’avoir le soutien des forces mixtes militaires – Armée, Gendarmerie, Police nationale – unies et solidaires pour assurer son succès. De nouvelles Institutions aptes à faciliter la réalisation rapide d’un programme cadre en supprimant tout ce qui sera de nature à entraver la réussite de ce projet seront également mises en place. Quant au Parlement, il sera maintenu dans sa forme actuelle. Mais des modifications seront susceptibles d’être apportées concernant le nombre, la composition et les attributions respectives. Un accord politique régira ces modifications. Bien entendu tout ceci devra être discuté dans le cadre d’un dialogue réunissant toutes les parties concernées. Pour le moment ce ne sont que des propositions »..

Midi : Quid de l’attribution des ”seza”?

José Rakotomavo : « Les sièges seront attribués à des représentants triés sur le volet selon des critères consensuels. Les entités dont l’existence et les activités sont reconnues utiles pour la Nation (critères à déterminer dans l’accord politique) pourront parrainer les futurs membres des différentes Institutions. Ces citoyens de bonne volonté et jugés honnêtes et justes, soucieux des intérêts supérieurs de la Nation seront dignes de faire partie de ces Institutions de la République. Les Ray aman-dreny seront là pour y veiller ».

PROGRAMME CADRE

Midi : Avez-vous un programme et/ou un calendrier à avancer ?

José Rakotomavo : « Le programme de mise en œuvre sera fera en trois phases; ce qui permettra d’assurer une transition vers un environnement politique, social et économique plus stable à Madagascar. Chaque phase correspondant à une année représente un jalon essentiel du processus de refondation nationale, visant à établir un gouvernement fort et responsable, soucieux de la démocratie et digne de confiance.

Durant la première phase, toute l’équipe dirigeante, gouvernement et institutions, s’attachera à regagner la confiance de la population et celle des partenaires étrangers. Cette étape est essentielle pour poser les bases de la refondation nationale car la confiance a été largement ébranlée par les crises politiques et économiques passées. Elle doit se concentrer sur la restauration de la légitimité et de la crédibilité des institutions de l’Etat notamment du gouvernement à travers une communication adéquate, l’amélioration de la gestion des affaires de l’Etat et le renforcement des mécanismes de suivi et de contrôle afin de garantir l’intégrité des responsables dans la mise en place d’un processus de décentralisation dont l’impact sur le développement est attendu. A cet effet, un comité où siégeront des experts reconnus, sera mis en place pour faire des propositions en vue d’une décentralisation fédératrice.

Sans entrer dans les détails, il est impératif que l’équipe dirigeante donne des gages visibles à la population dans leur aptitude et leur volonté de trouver des solutions rapides à leurs problèmes quotidiens. Elle veut dorénavant vivre et non survivre.

Cette phase permettra, s’il y a lieu, de repenser à des problèmes fondamentaux tels que la révision de lois électorales et du système judiciaire, et même de la Constitution »..

Midi :En quoi consiste la phase suivante ?

José Rakotomavo : « La phase 2 permettra de poursuivre la réforme des Institutions découlant en partie des propositions du comité d’experts suscité, à l’initiative du gouvernement. Il implique les leaders communautaires et religieux ainsi que l’ensemble de la Société civile malagasy en veillant à valoriser les concepts du Fihavanana ainsi que les valeurs prônées par les résolutions (4 F) issues des résolutions découlant des consultations populaires précédemment citées. Il s’agit aussi pendant cette période de consolider la Réconciliation nationale. Cette phase 2 sera l’occasion d’instaurer les structures issues de la réforme institutionnelle qui permettront de procéder à la préparation des élections libres, transparentes, justes et acceptées par tous ».

ORGANISATION DES ÉLECTIONS

Midi : Et la troisième phase ?

José Rakotomavo : « La troisième et dernière phase ou étape porte essentiellement sur l’organisation des élections. Le Gouvernement dit de salut public doit assurer une transmission du pouvoir suivant les règles de l’art aux nouveaux responsables étatiques issue des élections tout en garantissant l’unité nationale, veillant à la continuité de l’Etat sur le plan économique et social »..

Midi : N’y aurait-il pas beaucoup d’appelés pour peu d’élus ?

José Rakotomavo : « Dès leur apparition sur la scène politique, les citoyens qui auront le privilège d’être choisis pour faire partie de cette période de pause seront appelés à faire preuve de professionnalisme à toute épreuve pour soulager au plus vite les souffrances de cette population vraiment méritante. Dans son ensemble, elle va s’attendre à un grand changement dans leur vie de tous les jours: travail et salaire décents, nourriture suffisante, vie paisible dans sa vie de tous les jours. C’est là le minimum qu’il peut espérer ».

Propos recueillis par R.O

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