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mardi, décembre 3, 2024
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Khat : Recrudescence de la consommation à Madagascar

Le khat est néfaste pour la santé.
Le khat est néfaste pour la santé.

Ni la production, ni la commercialisation, ni la consommation du khat, ce produit stimulant n’ont jamais été interdites à Madagascar. Ce qui limite les engagements pouvant être menés par les différents organes de prévention et de lutte contre cette plante. Ainsi tout le monde, appartenant à toutes les couches sociales, incluant les femmes et les enfants, en consomme en toute tranquillité parce que le khat, paraît-il, apporte une sensation de «bien-être».  

A l’étranger, en particulier dans les pays européens, la consommation du Khat est interdite depuis des lustres. Mais à Madagascar, ce n’est pas du tout le cas. Et jusqu’à preuve du contraire, aucune loi malgache n’interdit la production, la commercialisation et la consommation de ce produit «stimulant». De ce fait, presque tous les hommes et maintenant certaines femmes, voire des mineurs, généralement dans la partie nord du pays, en consomment. «Même des adolescents âgés de 12 ans et plus deviennent dépendants au khat», témoignent les consommateurs de ce produit «non encore illicite», résidant à Ambilobe, région Diana. Sans parler de ces personnes âgées qui ne freinent toujours pas leur consommation. Alors, ni la vente, ni la consommation du khat ne font l’objet d’une interdiction à Madagascar. «Ce produit est vendu comme l’on vend des légumes, principalement dans la région Diana et Sofia. On voit des petits vendeurs dans chaque coin de rue sur la RN6, notamment à Antsohihy, à Ambanja, à Port-Berger, à Ambilobe, jusqu’à Antsiranana», souligne Haja H.P. Ramamonjisoa, président national de Ny SAHY, une ONG qui lutte pour la prévention des conduites addictives dans l’Océan Indien. A l’heure actuelle, l’on en vend également dans certains quartiers de Tana. «Jusqu’ici, aucune étude permettant de connaître la statistique exacte des consommateurs de khat n’a été encore menée à Madagascar. Ce qui ne nous permet pas de connaître combien de Malgaches en consomment et deviennent dépendants», rajoute-t-il. Ce qui est sûr, c’est que l’on est face à une recrudescence de la consommation du khat à Madagascar, surtout avec l’implication des enfants.

La dépendance au khat inclut alors toutes les couches de la société et certaines hiérarchisations. Chômeurs, chauffeurs de taxi ou de taxi-brousse, manutentionnaires, étudiants, autorités,… tout le monde en consomme. Il suffit d’un seul voyage sur la RN6 pour constater l’ampleur de l’implantation de cette plante dans la vie des consommateurs. Ils ont continuellement la joue gonflée et tiennent dans leur main une botte de khat. Ceux qui viennent pour la première fois à Antsiranana risquent même d’être fortement étonnés.

De la concentration et un effet aphrodisiaque.

En fait, afin de conserver leurs propriétés stimulantes, il faut consommer ces plantes rapidement après la cueillette, soit dans les trois jours au maximum. «Les kaths changent de goût au-delà de ce délai et deviennent moins efficaces», confie un vendeur. Mais pourquoi en consommer ? «Sans ce produit, nous serions très faibles. Il nous procure une sensation de bien-être, tout en nous apportant de la force, de la puissance et surtout de la concentration. Nous ne pouvons rien faire sans en avoir consommé. La consommation apporte une sorte de paix intérieure et plus de stimulation. Ce qui nous permet d’effectuer des travaux d’Hercule chaque fois que nous en mangeons», témoigne Michel Herinjaka. Et d’autres vont jusqu’à dire que le khat a un effet aphrodisiaque. «Il permet d’avoir beaucoup d’endurance lors des rapports sexuels. Mais également, depuis que j’ai commencé à en consommer, j’ai remarqué un certain grossissement de mon… », ajoute pour sa part un autre consommateur. Alors à ce sujet, qu’en est-il des femmes? «Nous avons plus de forces quand nous en mangeons. Pour le sexe, peut-être que cela nous permet de faire preuve de plus de résistance aux mouvements de notre partenaire… », confie pour sa part Angeline Rakotoniaina, une consommatrice de khat. Elle fait partie de ces addicts, malgré son jeune âge, à 23 ans.

Le khat est vendu comme des légumes, sans crainte, dans la partie nord de Madagascar.
Le khat est vendu comme des légumes, sans crainte, dans la partie nord de Madagascar.

Argent rapide,… et dépenses énormes 

A Antsiranana, le khat provient d’Antsalaka (Antsiranana II) et d’Anjavy (Joffre-ville). Tout le monde sait déjà que c’est vers midi que l’on commence à en trouver dans la ville. Ainsi, vendeurs et consommateurs se précipitent pour en acheter (bottes et paquets). Ensuite, il y en a qui vendent au détail pour les petits acheteurs. Pour d’autres, ils font leur commerce aux transporteurs-grossistes. Pour un vendeur, il achète d’abord neuf à dix paquets par jour pour les revendre en bottes de cinq à six branches chacune. Après c’est environ 2 000 Ar par botte, voire plus. Le vendeur obtient ainsi en moyenne un bénéfice de 5 000 Ar pour chaque paquet et il parvient à vendre au moins cinq paquets au quotidien. Un revenu assez important et de l’argent rapide pouvant lui permettre de vivre normalement. On dit également que le khat est plus coûteux de mai à juillet, à cause de sa culture plus difficile, faute de pluie.
Du côté des consommateurs, place aux énormes dépenses. La consommation de khat est plus onéreuse. Il faut en moyenne plus de 2 000 Ar par jour pour ceux qui en sont déjà dépendants. Ce qui devient une somme assez importante tous les mois, soit plus de 62 000 Ar. C’est plus coûteux que la consommation de cigarettes. Pour ceux qui n’ont pas assez de moyens, l’achat de khat provoque souvent une dispute dans leur foyer.

Le Dr Miarintsoa Andriamiarinarivo déconseille vivement la consommation du khat.
Le Dr Miarintsoa Andriamiarinarivo déconseille vivement la consommation du khat.

«Le khat attaque les reins et peut provoquer un cancer»

Malgré tous ces arguments des consommateurs de khat, les médecins ne sont pas du tout du même avis qu’eux. Le Dr Miarintsoa Andriamiarinarivo, médecin addictologue, non moins une consultante en alcoologie et toxicomanie, donne son avis. «A force de toujours en manger, la personne devient entièrement dépendante. La consommation de khat déforme alors le visage du consommateur. Puis, le produit est néfaste pour la santé, surtout à long terme. C’est l’appareil digestif qui est attaqué en premier, à cause de la salive toujours pleine de résidus. Ce qui pourrait amener au cancer si la consommation dure trop longtemps, des années. Sans oublier ses effets néfastes sur les reins», explique-ce médecin. Et elle de dire que ces addicts au khat n’ont plus conscience des effets graves de ce drogue sur leur santé. «Les alcaloïdes contenus dans cette plante agissent sur le corps comme les amphétamines. Mais contrairement à ces derniers, leurs quantités ne peuvent présenter un danger immédiat pour l’organisme. Ils agissent lentement».

Les consommateurs choisissent un endroit tranquille pour la mastication du khat.
Les consommateurs choisissent un endroit tranquille pour la mastication du khat.

Quatre heures de mastication par jour…

Les consommateurs de khat ont le visage gonflé en permanence. Ils choisissent un endroit tranquille, souvent à l’ombre d’un arbre, ou sous les balcons pour mastiquer et… mastiquer. Certains se munissent alors d’une bouteille d’eau glacée pour faciliter la mastication. Pour d’autres, ils mâchent du chewing-gome avec la boule de khat. Les feuilles sont mâchouillées une par une jusqu’à en arriver à en avoir cette grosse boule. «Tous les jours, je commence la mastication à partir de 14h et je ne m’arrête que vers 18h», confie Herinjaka, un jeune homme de 23 ans, habitant à Antsiranana. Il est actuellement devenu adepte du khat. En général, les consommateurs prennent leur dose quotidienne tous les après-midi et mâchouillent la boule pendant au moins quatre heures non stop. On se demande alors s’ils n’ont pas enfin ras-le-bol d’avoir la bouche pleine en mâchouillant, ou… ruminant pendant des heures.

En somme si dans l’avenir, l’Etat veut éradiquer le khat sur les territoires malgaches, il doit s’armer de beaucoup de motivations, puisque ce sera un combat de longue haleine et non moins difficile. Cette plante, qui fait l’objet d’une permissivité intense dans le pays, ne pourra pas être déracinée du jour au lendemain, vu sa forte implantation au niveau des communautés. La meilleure chose à faire, comme l’a dit le Dr Miarintsoa Andriamiarinarivo, c’est d’informer davantage les populations sur les mauvaises conséquences qu’elle apporte sur la santé. Toutefois, ce médecin de souligner que se débarrasser du khat est tout ce qui est de plus facile. «Il faut seulement de la volonté et une psychothérapie», conclut-elle.

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