La poésie de Kie tsy mivaky tano raisonne comme le renouveau du parler Antandroy, qu’elle a réussi dans une expression artistique accessi ble et complexe. Portrait d’une femme étroitement attachée à ses origines.
Dans la bouche de Julie Rasoanirina, ou Kie tsy mivaky rano pour la plume, le verbe du sud profond gagne en musicalité et en sobriété. Cette poète a fait de la mise en valeur du parler Antandroy, son combat. L’ethnie Antandroy, est d’ailleurs un groupement humain qui lui est très cher. « Je fais partie des Tsimivakirano, il s’agit d’un lignage. Ce qui veut dire, les Antandroy qui ne se sont pas mêlés à d’autres groupes humains par le mariage ou par le couple », signale t-elle d’emblée. Depuis son Androy natal, elle a grandi à Ambovombe Androy. En fait, elle vient d’un village qui a vu naître des légendes comme le mythique Jean Gabin Fanovona, fondateur du groupe Vaovy.
Née en 1983 à Tanambao 2 dans la ville de Toliara, elle a grandi à Ambovombe Androy. « Depuis mon enfance, j’ai toujours rêvé de devenir poète. J’ai voulu trouver un moyen spécifique pour faire face au développement actuel. Face aux pressions de la mondialisation, nous sommes en train de perdre du terrain par rapport à notre identité alors, je pense que la poésie est un des outils pour faire passer mon message », ajoute Kie tsy mivaky rano. Cet amour de son pays, la poète le partage avec son père Latimer Rangers, journaliste émérite et bibliothèque vivant du patrimoine culturel malgache.
Origines sacrées. Par ailleurs, sa tante est un des membres du groupe Vaovy à ses débuts. Pour dire qu’elle a de quoi tenir en termes de richesse artistique. Elle finit par être repérée par des spécialistes de la communication sociale. La société en communication AlfaSera la contacte en 2017 pour faire une tournée de deux ans en guise d’accompagnatrice culturelle sur des projets du Fonds d’Intervention pour le Développement (FID) et la Banque Mondiale. Elle a ainsi pu profiter pécuniairement pour la première fois de ses talents et aussi faire connaitre l’existence d’une poète en parler Antandroy. Son rêve se concrétise, jusqu’à ce que le projet soit pour l’instant en instance.
Pour le moment, elle n’a réussi qu’à mettre en ligne six poèmes. Assez longs, cependant, en apparence, il est assez difficile de créer avec ce parler qui est à la fois riche de nuance dont quelques éléments de son vocabulaire séculaire ont presque disparu. Raison pour laquelle, il est préférable de parler de « mission » pour l’art qu’elle pratique. Un combat pour redynamiser le parler régional, sachant que la poésie est un art simple. Ne nécessitant aucun autre artifice qu’une feuille et de quoi écrire. De surcroit, une femme qui manipule les rimes dans un dialecte autre que le malgache officiel se fait rare en ces temps.
Un extrait montrera la mesure du talent de Kie tsy mivaky rano. Le titre de cette poésie est « Liofon’arofoko ». « J’y parle de mon attachement profond pour ma culture, mes origines et ma terre natale. C’est important puisqu’elles sont les gardiennes du hasina ou du sacré », fait-elle savoir. « Liofon arofoko ty tane nihirifako/Tsy hanahake ty hafa, kele hieva karaza/Izaho tsy mihabodraha,hikoike havazaha, fa mitregne hoe agnombe lahy, amty maha Antandroy ahy/ Firazagnagne nomeinagnahare ,tsy ataoko mamparare,izaho aza fale mbe mitagne lilindroaza,tsy hanahake ty hafa,le vatae farava ».
Maminirina Rado