(Ils ont fait le buzz…) L’ensemble des réactions des malgaches, autochtones, face au départ des 457 ressortissants français le 4 avril, ont révélé l’animosité envers ce pays. Un groupe dédié à l’actualité a ainsi recueilli des centaines de commentaires plus ou moins acerbes. « Partez et ne revenez plus, laissez-nous sur nos terres ». « Ils ont emmené le virus et ils sont partis ». Ces commentaires semblent s’adresser aux français naturalisés. « Allez partez et venez ensuite pleurez pour qu’on vous ramène ».
Décidément, que ce soit à Madagascar ou ailleurs, le coronavirus a généré une fracture raciale, apparemment exacerbée après avoir été tenue en sourdine. Les “facebookers” les plus avertis se souviendront de ce ressortissant chinois invectivé par une Française. Celle-ci le qualifiait de vecteur de coronavirus. Ou encore, cet africain atteint par la pandémie, attendant patiemment des soins dans un hôpital en Italie. Le personnel soignant était occupé avec les « vrais malades ».
Un humoriste célèbre, d’origine arabe, a déjà mentionné : « Tout le monde est raciste de quelqu’un ». La réalité le confirme. Derrière ce mur de discours experts, humanistes et rassembleurs cachent le pire des sentiments : le racisme. Face à la mondialisation : dématérialisation des frontières, rapidité des flux communicationnels, universalisation des valeurs débouchant sur un essai d’ériger un sentiment universel web 2.0… et maintenant, une pandémie où chaque pays s’observe.
Dans un pays comme Madagascar, tout cela ajoute une couche à la dialectique de la pauvreté, dans laquelle la Grande-île baigne depuis la colonisation, lorsque des colons, au nom d’une religion supérieure autant que leur race, ont estimé que les sauvages africains étaient pauvres en âme. Ils leur ont donc imposé la religion et la dîme. Ensuite, après avoir pillé leurs richesses, l’effort de guerre durant les deux grandes guerres en est un exemple parmi des myriades, ils ont jugé que les africains étaient incapables de s’enrichir. Il a donc fallu les endetter.
L’effort de guerre a été de forcer les colonies à « offrir » toutes leurs productions agricoles et autres aux soldats au front en Europe. Qui plus est, les tirailleurs sénégalais et camerounais étaient envoyés en première ligne pour servir de chair à canon. Par deux fois, durant cinq ans, causant de graves famines et un dérèglement de l’économie, les malgaches ont dû exporter la quasi-totalité de leur riz, manioc, cuir, etc.
D’après les calculs des économistes, il faudrait 80 ans pour remettre à flot le rouage économique malgache, rien qu’après la seconde guerre. Avec la première guerre, le calcul totalise 160 années contre ces années d’effort de guerre. Quoi qu’on en dise, le premier président de la République malgache prenait les rênes d’un pays allant tout droit et déjà vers une crise après l’Indépendance, qui allait fatalement aboutir à cette dialectique de la pauvreté. Et le vaccin contre le COVID-19, soulevé par le médecin français Jean-Paul Mira pour être testé en Afrique, n’en est qu’une réminiscence.
Actuellement, ce sont les intellectuels africains, formés en France et ayant trouvé une écoute active aux Etats-Unis, qui dénigrent vigoureusement cette initiative mentionnée par le médecin français. Selon une penseuse de la diaspora européenne, le contexte COVID-19 actuel donne ce schéma, « le dominé emprunte l’arme même du dominant. D’où la particularité et l’efficacité des intellectuels des anciennes colonies lorsqu’ils analysent avec une arme à double tranchant. Transcender avec la philosophie le terrain de la post-colonie… Beaucoup d’élites de l’Afrique subsaharienne ont heureusement ce courage intellectuel ».
Maminirina Rado