
De Michel-Ange à Léonard de Vinci en passant par Lionel Messi, Barack Obama, Bill Clinton, le prince William, Eminem, Kylian Mbappe ou encore Albert Einstein, Julia Roberts, Oprah Winfrey et Angelina Jolie, tous ont un point commun : leur latéralité. Ils sont gauchers. Avérés, partiels, ou contrariés, mais leur point commun est qu’ils utilisent principalement le côté gauche du corps pour accomplir les actes moteurs, autrement dit les tâches quotidiennes (l’écriture, l’usage d’outils…), mais également les fonctions perceptives (sensorielles, vue, ouïe…). La question soulève de nombreuses questions sur l’hérédité, les différences neurologiques, et même les implications culturelles et sociales. Bien plus qu’une simple préférence innée – car le gaucher l’est bien avant sa naissance – la « gaucherie » concerne plus d’un milliard de personnes dans le monde, si l’on tient compte des recherches scientifiques et des statistiques les plus récentes, face à la complexité du cerveau humain.
Les gauchers, représentant une petite mais significative partie de la population mondiale, sont souvent entourés de mythes et de stéréotypes. Avec une acceptation croissante et des efforts d’intégration, les gauchers ont l’opportunité de revendiquer leur place dans un monde qui, bien que majoritairement droitier, commence à reconnaître la diversité.
On estime à 10% le pourcentage mondial d’individus gauchers. Cependant, selon une étude anglo-saxonne réalisée à la fin des années 1970, les gauchers représenteraient 8 à 16 % de la population mondiale.

On distingue plusieurs types de gauchers.
Le gaucher intégral
Les gauchers qui appartiennent à cette catégorie sont gauchers de la main, du pied, de l’œil ou de l’oreille. Il s’agit d’une latéralisation intégrale, autrement dit, cette latéralité concerne d’autres organes, outre la main. Dans la mesure où la préférence correspond à une latéralisation opposée du cerveau, elle s’accompagne de ce fait d’une dominance de l’hémisphère droit pour les gauchers.
Le gaucher partiel ou latéralité croisée
Pour les gauchers partiels, seul un membre, inférieur ou supérieur, est latéralisé à gauche. C’est le cas du footballeur Lionel Messi, qui n’est gaucher que du pied. En revanche, des gauchers de la main s’aperçoivent à l’usage, que c’est tout de même leur pied droit qui est plus habile que le gauche. Quant au gaucher de l’œil, il désigne celui dont l’œil gauche est celui qui dirige le regard et dont il se sert pour viser, par exemple.
Le gaucher céphalique
Il s’agit d’un type de gaucher où seule la tête est gauchère (œil, oreille). Sachant que le reste des gestes courants et observables sont exécutés de la main droite, il est plus difficile de reconnaître le gaucher céphalique.
Le gaucher contrarié
Il s’agit d’un individu qui, de façon naturelle, écrirait de la main gauche et que l’on a obligé, forcé ou incité à écrire de la main droite. La notion de contrariété s’applique surtout à la main utilisée pour écrire. Dans un passé plus ou moins récent, il était encore courant que le gaucher soit stigmatisé, exclu. Dans certains pays d’Afrique et d’Asie, il n’était pas rare que l’enfant gaucher soit frappé, marginalisé, ou qu’on lui attache la main gauche dans le dos pour le contraindre à utiliser sa main droite.
Historiquement, des sociétés ont considéré la gaucherie comme un signe de malchance ou de malveillance. De nos jours, cependant, la perception des gauchers varie, et de nombreuses cultures acceptent et célèbrent la diversité des préférences manuelles.
Et l’ambidextre ?
Est ambidextre celui qui se sert de ses deux mains, gauche et droite, avec la même facilité. Aussi, certaines personnes se disent ou pensent être ambidextres, mais en réalité le terme est inapproprié car elles ne peuvent se prévaloir de faire la même chose de la main droite ou de la main gauche avec exactement la même facilité. Les recherches scientifiques indiquent que dans le cerveau, l’humain est latéralisé à gauche ou à droite.

Recherches poussées
Les recherches suggèrent que la gaucherie a un composant génétique. Une étude menée par le Dr. Michael S. Gazzaniga (*) a montré que les jumeaux identiques avaient une plus grande probabilité de partager une préférence manuelle que les jumeaux fraternels, indiquant une influence génétique. Cependant, des facteurs environnementaux jouent également un rôle dans le développement de la préférence manuelle.
Des études ont montré que la structure cérébrale des gauchers peut différer de celle des droitiers. Par exemple, la plupart des droitiers ont un hémisphère gauche dominant pour le langage, tandis que les gauchers peuvent avoir une distribution plus variable des fonctions linguistiques entre les hémisphères. Cela pourrait expliquer certaines des capacités créatives souvent attribuées aux gauchers.
Les recherches via l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ont démontré que les gauchers possédaient un corps calleux, la structure reliant les deux hémisphères du cerveau, plus large. Cela pourrait permettre une communication plus efficace entre les hémisphères, ouvrant la voie à une pensée plus divergente.
Les gauchers ont souvent été associés à des traits de personnalité distincts. Des études ont suggéré qu’ils pourraient être plus susceptibles d’exprimer de la créativité, de l’indépendance et une pensée non conventionnelle. Cependant, ces résultats sont souvent contestés. Les recherches se poursuivent pour établir des corrélations fiables.
L’influence hormonale est en partie à l’origine de la latéralisation cérébrale. Un taux élevé de testostérone incite le cerveau humain à s’organiser de façon asymétrique. Il favorise le développement de l’hémisphère droit, celui qui est dominant chez le gaucher. Cette stimulation concerne plus particulièrement les fonctions motrices. Cette hormone agit donc sur l’hémisphère droit pour en faire le lobe moteur dominant.
Toutefois, affirmer une origine hormonale de la gaucherie n’exclut pas un facteur génétique dont elle dépendrait également.

Mythes et réalités
Les gauchers sont-ils plus intelligents ?
L’un des mythes les plus répandus est que les gauchers sont plus intelligents que les droitiers. Bien que certaines études aient montré des performances supérieures dans des domaines spécifiques, comme les arts et la musique, il n’existe pas de preuve concluante que les gauchers soient globalement plus intelligents.
Les gauchers sont-ils plus créatifs?
Il est souvent affirmé que les gauchers sont plus créatifs. Bien que la recherche ait montré des différences dans le traitement cognitif et l’innovation, il serait préférable de rester prudent face à la tendance à la généralisation, la créativité étant un trait complexe influencé par de nombreux facteurs, y compris l’environnement et l’éducation.
Des défis rencontrés par les gauchers
L’adaptation à un monde de droitiers
Les gauchers rencontrent souvent des défis dans un monde principalement conçu pour les droitiers. Des outils tels que les ciseaux, les ouvre-boîtes et même les ordinateurs peuvent poser des problèmes d’ergonomie. Les gauchers doivent souvent s’adapter ou chercher des alternatives pour accomplir des tâches quotidiennes.
L’éducation et le sport
Dans le domaine de l’éducation, les enseignants peuvent parfois négliger les besoins spécifiques des gauchers. Cela peut affecter leur apprentissage, notamment lorsqu’il s’agit d’écriture ou d’utilisation de matériel pédagogique. De plus, dans le sport, bien que certaines disciplines bénéficient de la présence de gauchers, d’autres peuvent les désavantager.

Recherches futures
Les recherches sur les gauchers continuent d’évoluer. L’exploration des différences cognitives, neurologiques et comportementales entre les gauchers et les droitiers peut offrir des perspectives précieuses sur le fonctionnement du cerveau humain. De plus, l’étude de l’impact culturel et social sur les gauchers peut enrichir la compréhension de la diversité humaine.
Hanitra R.
(*) Gazzaniga, M. S. (2018). The Consciousness Instinct: Unraveling the Mystery of How the Brain Makes the Mind. New York: Ecco.