Après avoir été mise en veilleuse durant la Transition, la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) sera de nouveau active. Ainsi, la première HCC de la quatrième République sera mise en place au début de l’année prochaine. Toujours est-il que c’est le Conseil Supérieur de la Transition (CST) qui a assumé le rôle du Sénat durant la période transitoire. Notons que la HCC comprend neuf membres. Leur mandat est de sept ans non renouvelable. Trois des membres sont nommés par le Président de la République, deux sont élus par l’Assemblée nationale, deux par le Sénat, deux sont élus par le Conseil supérieur de la magistrature. Le Président de la Haute Cour constitutionnelle est élu par et parmi les membres de ladite Cour. Cette élection ainsi que la désignation des autres membres sont constatées par décret du Président de la République.
Conformité. Selon l’article 115 de la Constitution, « les fonctions de membre de la Haute Cour constitutionnelle sont incompatibles avec celles de membres du Gouvernement, du Parlement, avec tout mandat public électif, toute autre activité professionnelle rémunérée, à l’exception des activités d’enseignement, ainsi que toute activité au sein d’un parti politique ou d’un syndicat ». Outre les questions qui lui sont renvoyées par d’autres articles de la Constitution, la Haute Cour constitutionnelle, dans les conditions fixées par une loi organique, statue sur la conformité à la Constitution des traités, des lois, des ordonnances, et des règlements autonomes et règle les conflits de compétence entre deux ou plusieurs Institutions de l’État ou entre l’État et une ou plusieurs collectivités territoriales décentralisées ou entre deux ou plusieurs collectivités territoriales décentralisées. Elle statue également sur la conformité à la Constitution et aux lois organiques, des délibérations et des actes réglementaires adoptés par les collectivités territoriales décentralisées ainsi que sur le contentieux des opérations de référendum, de l’élection du Président de la République et des élections des députés et sénateurs. La HCC est chargée également de la proclamation du résultat officiel des élections présidentielles, législatives et des consultations par référendum.
Lois organiques. Notons que la Constitution de la République de Madagascar a été adoptée à la suite d’un référendum qui se tint le 17 novembre 2010. Elle fut proclamée le 11 décembre de cette année. Elle remplace la Constitution malgache de 1992. Par ailleurs, avant leur promulgation, les lois organiques, les lois et les ordonnances sont soumises obligatoirement par le Président de la République à la Haute Cour constitutionnelle qui statue sur leur conformité à la Constitution. En outre, une disposition jugée inconstitutionnelle ne peut être promulguée. Dans ce cas, le Président de la République peut décider, soit de promulguer les autres dispositions de la loi ou de l’ordonnance, soit de soumettre l’ensemble du texte à une nouvelle délibération du Parlement ou du Conseil des ministres selon le cas, soit de ne pas procéder à la promulgation.
Jean Eric Rakotoarisoa : Premier président non magistrat
Faisant partie des trois juges constitutionnels désignés par le président de la République, Jean Eric Rakotoarisoa a été élu président de la Haute Cour Constitutionnelle au cours d’une audience privée qui s’est déroulée le 29 octobre 2014. C’est la première fois depuis la création de cette Cour donc qu’un non-magistrat occupe ce poste. Faut-il rappeler que Jean Eric Rakotoarisoa est un enseignant en droit constitutionnel à l’Université d’Antananarivo. Un travail qu’il continue d’ailleurs d’exercer jusqu’à aujourd’hui. Lors de son élection, le président de la HCC a été un candidat unique. Il a été élu à l’issue d’un vote secret. Avant sa nomination à la Haute Cour Constitutionnelle, l’enseignant en droit constitutionnel était chroniqueur et Directeur de la Rédaction chez « Dans les Médias Demain » (DMD). Il a également été Consultant pour le compte de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) durant la dernière crise qui a frappé le pays. Il, l’actuel président de la HCC qui a surtout été connu comme étant un membre actif au sein du « Sehatra Fanaraha-maso ny Fiainam-pirenena » (SEFAFI). Une association membre de la Société civile plus connue pour avoir lancé fréquemment des critiques acerbes contre le régime Rajaonarimampianina. Une personnalité reconnue par son honnêteté et son sens de la rigueur, bon nombre d’observateurs reprochent désormais à Jean Eric Rakotoarisoa d’avoir ignoré ses principes depuis sa nomination à la HCC.
38 décisions, 2 avis et 1 arrêt en 10 mois
Quand on parle de décision, d’avis et d’arrêt, ce sont des actes susceptibles d’être pris par la Haute Cour Constitutionnelle. Depuis sa mise en place, l’actuelle HCC a pris 28 décisions, 2 avis et 1 arrêt. Le seul arrêt qu’Ambohidahy a pu sortir depuis mars 2015 était l’arrêt n°01-HCC/AR du 27 novembre 2015 relatif au recours introduit par la liste « Princesses d’Avaradrano » contre le rejet de sa candidature aux élections sénatoriales du 29 décembre 2015. En ce qui concerne les deux avis publiés par la HCC, le premier (Avis n°02-HCC/AV du 13 juin 2015) porte sur l’application simultanée des articles 103 et 131 de la Constitution, tandis que le second (Avis n°01-HCC/AV du 29 avril 2015) permet aux juges constitutionnels de s’exprimer sur la constitutionnalité de la création d’un groupe parlementaire dont les membres sont issus d’un autre groupe parlementaire portant la même dénomination, mais différenciée seulement par un numéro d’ordre. Parlant des 38 décisions prises par l’actuelle HCC depuis sa mise en place, 18 d’entre elles sont des décisions relatives à la conformité à la Constitution des lois autorisant la ratification des conventions ou des accords de prêts contractés par la République de Madagascar.
Décisions capitales. Depuis sa mise en place, la nouvelle Haute Cour Constitutionnelle présidée par l’éminent juriste constitutionnel Jean Eric Rakotoarisoa était plusieurs fois appelée à se prononcer sur des questions politiques jugées très délicates. C’était le cas par exemple lorsqu’elle a été saisie par les députés sur la résolution de mise en accusation du président de la République Hery Rajaonarimampianina adoptée massivement à l’Assemblée nationale. En effet, par sa décision n°24-HCC/D3 du 12 juin 2015, Ambohidahy, en son article 2, a rejeté la demande comme non fondée. Par contre, la HCC a déclaré recevable la demande des députés. L’article 5 de la décision stipule que les Institutions de la République œuvrent en faveur d’un pacte de responsabilité. L’autre décision politiquement importante prise par l’actuelle Haute Cour Constitutionnelle était la décision n°23-HCC/D3 du 22 avril 2015 relative à une requête aux fins de déchéance de députés. Cette requête introduite par Mme Christine Razanamahasoa vise la déchéance de 7 députés élus sous les bannières du Mapar. Ladite requête a été déclarée irrecevable. Sans parler d’autres décisions entrant dans le cadre de la mise en place des Institutions de la IVe République, pour ne citer que la décision n°31-HCC/D3 du 16 octobre 2015 concernant la Loi n°2015-020 relative à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).