
Depuis l’indépendance en 1960, Madagascar entretient avec la France une relation complexe, mêlant coopération, dépendance et tensions politiques. Des accords militaires aux jeux d’influence diplomatique, retour sur six décennies d’implication française dans les affaires malgaches.
Le 26 juin 1960, Madagascar gagne son indépendance. Cependant, très vite, des accords sont signés avec la France pour maintenir une présence militaire importante. Un Accord de défense signé le 27 juin 1960 autorise la France à conserver des bases, des garnisons, des installations, services de santé, intendance, prévôtés, etc., dans plusieurs villes comme Diégo‑Suarez (aujourd’hui Antsiranana), Tamatave, Tananarive, Fianarantsoa. Des régiments français sont stationnés : par exemple, le 3e Régiment Étranger d’infanterie à Diégo Suarez, le 2e Régiment de parachutistes d’infanterie de marine et la Base aérienne 181 à Ivato près de Tananarive. Pendant ces années, la France continue aussi de former massivement les officiers malgaches. Entre 1960 et 1966, l’essentiel de la formation des cadres officiels (officiers et sous-officiers) passe par la France, par des institutions comme l’EFORTOM (École de formation des officiers pour les territoires d’outre-mer). Par exemple, en 1961, parmi les promotions sorties de cette école, 34 élèves officiers venaient de Madagascar. Mais dès 1972, le vent tourne. Sous la pression populaire et étudiante, le président Philibert Tsiranana quitte le pouvoir. Le général Gabriel Ramanantsoa, à la tête du gouvernement, amorce un tournant souverainiste. Un moment crucial se joue au début des années 1970. Sous la pression de l’opinion publique malgache, des mouvements étudiants et ouvriers, le régime du président Philibert Tsiranana est confronté à des critiques sur la dépendance militaire envers la France. En janvier 1972, il délègue le pouvoir au général Gabriel Ramanantsoa. La rupture formelle des accords se marque par l’Ordonnance du 25 janvier 1973, abrogeant l’Accord de défense de 1960. Cet acte officialise le retrait progressif des troupes françaises. Les forces terrestres et aériennes françaises, notamment les unités stationnées à Ivato, Diégo Suarez, sont concernées. Le calendrier précis du retrait : les mouvements doivent être terminés au 1er septembre 1973 pour les unités suivantes : états‑majors à Tananarive, le 3e Régiment Étranger d’Infanterie à Diégo‑Suarez, le 2e Régiment de parachutistes et la Base aérienne 181 à Ivato. Par ailleurs, la base navale française de Diego Suarez, stratégique dans l’océan Indien, voit ses installations progressivement désengagées. Le 25 janvier 1973, Madagascar abroge unilatéralement les accords militaires. Le retrait des troupes françaises est fixé au 1er septembre de la même année. Le départ des derniers soldats marque la fin d’une ère. Diégo-Suarez, autrefois pièce maîtresse du dispositif français dans l’océan Indien, est évacuée. Depuis, plus aucune base permanente n’est présente sur l’île. Toutefois, la coopération militaire perdure : formation d’officiers, échanges techniques et participation à des exercices conjoints comme « Tulipe 2025 ». Plus de soixante ans après l’indépendance, la mémoire de cette présence militaire reste sensible. Si la France n’a plus de troupes sur place, son empreinte demeure visible dans les structures et les liens tissés avec les forces armées malgaches, notamment la gendarmerie.
Recueillis par Maminirina Rado




