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vendredi, novembre 21, 2025
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Général Heriniaina Raoelina : « La Refondation doit reposer sur une gouvernance éthique »

Dans cet entretien exclusif accordé à notre rédaction, le général (en retraite) Heriniaina Raoelina, issu de la 9ème promotion de l’Académie militaire d’Antsirabe, revient sur le changement de régime du 11 octobre dernier, survenu après le ralliement des militaires au mouvement initié par la jeunesse et d’autres groupes civils. Opposant de longue date à Andry Rajoelina, il salue la dynamique actuelle et affirme son soutien aux nouveaux dirigeants du pays, tout en appelant à une refondation fondée sur une gouvernance éthique et responsable. L’officier général, témoin direct des événements du 7 février 2009, étant lui-même aux commandes des troupes qui ont gardé le palais d’Ambohitsorohitra, livre également sa lecture des récents bouleversements politiques et de la place de l’armée dans la République.

Midi Madagasikara : Le 11 octobre dernier, un changement de régime est intervenu après le ralliement des militaires au mouvement initié par la « Gen Z » et d’autres groupes de la population. Quelle est votre lecture de cet événement ?
Heriniaina Raoelina :
Le départ d’Andry Rajoelina était, à mes yeux, prévisible. Il ne s’agissait que d’une question de temps. Comme nous avons pu le constater, le mouvement populaire a abouti grâce au soutien de mes frères d’armes du Capsat et d’autres groupes de citoyens. Je m’oppose, depuis 2009, au régime d’Andry Rajoelina. J’apporte mon soutien aux nouveaux dirigeants actuels, surtout sur la base d’une vision et de projet, notamment la Refondation que mes frères colonels, aujourd’hui à la tête du pays, souhaitent mettre en œuvre. L’objectif est de tourner définitivement la page des 16 années de gouvernance d’Andry Rajoelina, où dérives et abus faisaient légion.

MM. : Que signifie, selon vous, cette Refondation ?


HR :
Pour moi, la Refondation consiste à instaurer une gouvernance éthique. Ce concept va bien au-delà de la simple bonne gouvernance. Sans prétendre donner de leçon à quiconque, je considère qu’il est temps d’en appliquer les principes fondamentaux. Cette gouvernance éthique doit être le socle de la Refondation et articuler ses dimensions culturelle, politique, institutionnelle, sociale et économique. À mon sens, les nouvelles autorités devraient dès à présent envoyer des signaux forts en ce sens, en adoptant concrètement les principes d’une gouvernance éthique, sans attendre les multiples consultations. Par exemple, je ne vois aucun inconvénient à démanteler le Colisée du Rova de Manjakamiadana, afin de redonner à ce patrimoine son sens originel et son authenticité culturelle.

MM. : Percevez-vous déjà des signes de cette gouvernance éthique chez les nouveaux dirigeants ?
HR :
Oui, certaines des mesures prises ces derniers jours me paraissent prometteuses.

MM. : L’Union africaine estime que l’ordre constitutionnel a été rompu à la suite du changement de régime. Quelle est votre réaction ?
HR : Sur le plan diplomatique, la réaction de l’Union africaine était attendue. Cependant, je crois que les efforts qui vont être déployés par la nouvelle ministre des Affaires étrangères permettront d’aplanir cette position. En 2009, Andry Rajoelina avait lui aussi été sanctionné. Mais en quoi cela l’a-t-il réellement affecté ? Cette fois-ci, il faut reconnaître que les événements ont causé beaucoup moins de dégâts, tant humains que matériels, comparativement à 2009. Et je parle en connaissance de cause.

MM. : Justement, à propos du 7 février 2009 à Ambohitsorohitra, vous étiez au premier plan. Que s’est-il réellement passé ce jour-là ? Qui a tiré ?
HR :
L’histoire est longue, mais j’ai déjà rédigé un rapport en 2009 sur les événements qui se sont déroulés au palais d’Ambohitsorohitra, que j’ai ensuite transmis au général Rakotoarimasy, alors ministre des Forces armées. En février 2010, la Police nationale a aussi publié son rapport balistique. Je défie Andry Rajoelina et Roindefo Monja de le lire attentivement et d’y trouver la moindre contradiction avec mon rapport de 2009. Il n’y en a aucune. Tout ce que j’y ai écrit a été confirmé par les conclusions de la Police nationale.

MM. : Pourquoi y a-t-il eu des tirs ?


HR : J’avais expressément ordonné aux manifestants de rester du côté de l’hôtel du Louvre. Je leur avais précisé qu’à partir du moment où ils franchiraient cette limite, la responsabilité de l’Emmo-Far serait levée, et les gardes présidentielles ne seraient plus tenus de se conformer à ses directives, une attaque d’un point sensible étant alors considérée comme avérée. Aussi, il est important de souligner que le premier tir n’est pas venu du palais. Nous avons d’abord tiré en l’air pour répondre au premier coup de feu. Les impacts relevés à environ trois mètres du sol, confirmés par le rapport balistique de la police nationale, le démontrent. Deux groupes de manifestants convergeaient alors vers le palais : l’un par l’entrée principale, l’autre par le côté de la Banque centrale.

MM. : Comment expliquez-vous alors qu’il y ait eu des morts ?
HR : Je ne suis pas en mesure d’affirmer d’où provenaient les tirs qui ont atteint les manifestants.

MM. : Après ces tirs, quelles ont été vos instructions ?
HR : Nous sommes restés dans l’enceinte du palais pour évaluer la situation. Les manifestants, eux, se sont dispersés.

MM. : Certaines sources ont évoqué la présence d’étrangers à proximité du palais ce jour-là. En aviez-vous connaissance ?
HR : J’étais effectivement en contact avec un général français basé à l’hôtel du Louvre, qui servait d’intermédiaire pour transmettre mes messages aux meneurs du mouvement. Je lui avais demandé de leur faire savoir que la progression vers le palais était inacceptable, et il m’avait assuré qu’il leur communiquerait ce message.

MM. : Étiez-vous accompagné par d’autres officiers ?
HR :
Les colonels Jerry, Randriamihoatra et Djadifara n’étaient pas présents au palais ce jour-là. Je leur avais expressément ordonné de ne pas s’y rendre le 7 février 2009. C’est pourquoi je juge injuste qu’ils aient été condamnés à la réclusion à perpétuité lors de notre procès. J’en appelle aux cinq colonels actuellement au pouvoir pour qu’ils puissent examiner cette affaire pour éviter que de telles injustices ne deviennent un précédent.

MM. : En novembre 2010, vous avez été aperçu à la BANI d’Ivato aux côtés du colonel Charles Randrianasoavina et d’autres officiers. Était-ce légitime, alors qu’une autorité politique était déjà en place ?
HR : Je ne formulerais pas la question ainsi. Il ne faut pas oublier qu’Andry Rajoelina lui-même avait pris le pouvoir par un coup d’État. Je pose donc la question : n’était-il pas légitime de vouloir se défaire d’un putschiste ? Lorsque le général Noël Rakotonandrasana et le colonel Charles Randrianasoavina — des figures clés de 2009 — ont décidé de nous rejoindre, c’est parce qu’ils s’étaient sentis trahis par l’évolution du régime.

MM. : L’armée a pris position en 2009 et en 2025. Les deux situations sont-elles comparables ?
HR : En apparence, oui, mais sur le fond, il existe une différence essentielle : la légitimité.

MM. : Pourquoi évoquez-vous un problème de légitimité en 2009 ?
HR :
En 2009, les manifestants s’exprimaient librement sur la Place du 13 mai, sans intervention des forces de l’ordre, mais les événements ont été marqués par des pillages d’une ampleur inédite. En revanche, en 2025, la répression exercée contre les manifestants a été disproportionnée, comme l’a d’ailleurs souligné la communauté internationale. Le statut républicain de la Gendarmerie nationale a été bafoué : la frontière entre une institution républicaine et une milice au service d’intérêts particuliers avait disparu. Je ne vise pas l’institution qu’est la gendarmerie elle-même dans ce cas, mais son commandement d’alors. Ainsi, le ralliement des militaires du Capsat en 2025 me semble, pour ma part, justifié et légitime.

MM. : Les nouveaux dirigeants militaires annoncent la tenue prochaine d’assises militaires. Quelle est votre position ?
HR : Je préfère ne pas commenter directement l’initiative du général Pikulas. À mon avis, il serait opportun de convoquer l’ensemble des chefs militaires, de dialoguer à cœur ouvert et de rappeler les règlements. L’enjeu principal reste de renforcer l’existence d’une armée véritablement républicaine, afin d’éviter toute dérive et de garantir le respect du statut républicain des forces de sécurité.

Rija R.           

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