
La vie suit son cours. Les pêcheurs vont à la mer, les paysans sans terre demeurent des métayers, les pasteurs au maigre bétail attendant toujours la période de la vache grasse. Les personnels des établissements publics voient leur portefeuille désargenté.
« Madagascar n’avance pas ! » s’exclament-ils. Comment veulent-ils que ce pays avance avec une mentalité de démission collective ? La corruption coule dans les veines, le népotisme, le clientélisme se mélangent avec le fihavanana. Le programme scolaire est au profit de l’Occident. La rage, l’anxiété, la jalousie, la frustration, la folie des grandeurs, la vantardise, tous ces sentiments se ressentent dans un cœur fragile. Ensuite vient l’auto dépréciation excessive entraînant le découragement. Par conséquent, la facilité domine l’esprit. Bien entendu, la lenteur administrative n’est pas exclue. Favorisée par l’indécision, elle crispe, voire paralyse le mécanisme bureaucratique… une bureaucratie souvent tribale. La Nation est bâtie sur une base effritée sur laquelle les dirigeants empilent des piliers mal ajustés. Ajouter des couches de ciment épaisses sur la fondation à moitié achevée, semble en fait, la définition de la Refondation. « Un bon médecin doit donner des remèdes pour guérir définitivement le mal au lieu de prescrire des calmants et des anti-douleurs », explique l’historien Joseph Razafindrainibe. La population a également sa part de responsabilité. Elle veut le paradis mais refuse de mourir. On aime la pluie sans vouloir patauger dans la boue.
Insouciant. Dans les grandes villes de Madagascar, cette attitude est lisible dans la vie quotidienne. Les montagnes de déchets dans les quartiers périphériques sont déplaisantes. Et lorsqu’on demande à un citoyen pourquoi il ne balaye pas devant sa porte, une réponse stupéfiante sort impétueusement de sa bouche « c’est à cause de l’État ! ». Les rats, les cafards, les puces cohabitent avec les humains dans les immeubles publics et les campus universitaires. En outre, les nostalgiques racontent aux jeunes : « de notre temps, des agents de santé, chaque fin de semaine, pulvérisent des insecticides ici ». Il faut tout de même être réaliste, au-delà de la croissance de la démographie qui a quintuplé depuis six décennies, ces insecticides sont désormais périmés. De surcroît, l’action de ces agents de santé, après 60 ans, a été substituée par les « asa tañamaro », une veille initiative qui date de l’époque des royaumes. Le constat de la régression semble évident !
Raisonnement circulaire invalide
Ô combien d’érudits malgaches insistent sur la réintégration de l’éducation civique dans le programme scolaire ? Les Malgaches, au lieu d’organiser un débat sur l’enseignement, l’éducation, la culture, perdent leur temps à suivre certains influenceurs-comédiens qui soi-disant éveillent la conscience nationale. Oui, le perroquet est doté d’une capacité dépassant en moyenne les autres oiseaux. Mais, sa faculté se réduit à répéter ce qu’il entend. Apparemment, ça passe largement à côté. « Tout est la faute de l’autre ! C’est à cause de lui, moi je n’ai rien fait, et nous le disons souvent en croisant les bras », constate Fidélis Randrianarison, un jeune économiste de Barikadimy. Il n’est pas le seul à aboutir à ce constat, les compatriotes reconnaissent ce fait amer. Les Malgaches en général accusent la France d’être la source de l’appauvrissement de leur patrie-chérie, les habitants des régions se plaignent de la centralisation ingénieusement établie par la capitale, les ruraux sont persuadés que les citadins s’enrichissent à leurs dépens. Le cercle vicieux continue de tourner comme les roues d’une charrette dirigée par un zébu amaigri.
En définitive, si ce sujet ne cesse de faire couler l’encre des littéraires, économistes, spécialistes en sciences sociales et humaines, et journalistes pendant 60 ans, c’est qu’il y a anguille sous roche. Les compatriotes ont peur, ou ont un problème avec le développement. Les pieds sont lourds pour faire le pas en avant si ce n’est que trois pas en arrière.
Iss Heridiny





