Si certains photographes choisissent des thèmes plutôt communs, ce photographe qui habite Genève, lui, a décidé de se focaliser sur un sujet qui n’a rien d’ordinaire : les abattoirs et ceux qui y travaillent.
Un mois ! C’est le temps pendant lequel seront exposés dans les locaux de No comment, les photos de Jean Luc Andrianasolo. Des photos qui méritent le détour et qui accrocheront sans aucun doute les curieux, surtout ceux qui aiment ce qui sortent de l’ordinaire. Si la plupart des photographes choisit des sujets plutôt sensibles, ce photographe qui s’inspire de la tradition classique des August Sander et Walker Evans, lui, a choisi un thème plutôt singulier. « Labor of flesh » ou « le travail de la chair », tel est en effet le thème de son expo. Ces portraits sont ceux de travailleurs journaliers dans un abattoir au nord de l’île. « Ils commencent leur ouvrage dès l’aube, ils sont jeunes, parfois très jeunes, et plutôt que d’aller à l’école, ils dépècent le bétail pour un salaire composé d’une maigre somme d’argent et d’un sachet de viande », explique le photographe.
Du 17 janvier au 17 février. Reculez-vous, l’odeur de l’encre est malsaine. C’est en ces termes que Rembrandt s’exprimait au temps où les abattoirs étaient encore appelés tueries. Il repoussait ainsi ceux qui regardaient ses œuvres de trop près : une image n’est pas faite pour être flairée. Les pieds bien ancrés, les regards sont parfois pleins et frontaux, parfois vides et sans agressivité, contemplatifs. L’instrument est entre leurs mains. Il sert à découper, dépecer, sectionner, trancher. Il sert également à tuer. Tel un poète, le photographe a donc trouvé quelque chose d’intriguant dans ce métier qu’il a d’ailleurs décidé de voir de plus près. Il en a même fait le thème de son expo-photo. « Créer une atmosphère ambigüe ou étrange, susciter un lien entre ces dualités : les vies éphémères des humains et la mort annoncée des bêtes, des êtres entiers et cette nature morcelée, la brutalité de la tâche et la banalité d’une vie précaire, le contact du vivant avec la chair vide, inanimée. A travers cette routine de la mise à mort, je questionne le statut de l’animal et aussi la frontière qui sépare l’humanité de la bête. C’est la figure humaine qui est au centre de l’image, l’unique acteur du dépeçage. La bête, à cet instant, a déjà succombé. Plus de gémissements laconiques, plus d’odeur de sang et d’excréments, plus de violence inhérente à cette tuerie rituelle. Les animaux sont réduits à de la matière. Le sujet devient objet. La lumière diffuse, le fleuve calme et distant, tous deux coulent indifférents, dans l’ordre tranquille des choses. La silhouette de ces bouchers, figés les armes à la main, se dresse à la verticale du temps, dans l’urgence des lendemains. Sous leurs pieds, la nature, elle aussi, est en décomposition, écorchée ». « Labor of flesh » sera exposé dans les locaux de No comment à Antsahavola, du 17 janvier au 17 février.
Mahetsaka