C’est une habitude instituée depuis l’élection présidentielle française de 1974. Le principe du débat présidentiel s’inspirait de celui ayant opposé John Kennedy à Richard Nixon en 1960. Celui entre les candidats Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand connut un grand succès d’audience et fut déterminant dans le choix de certains électeurs. Celui d’hier soir entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen a été suivi par plusieurs millions de téléspectateurs et a permis d’éclairer les Français sur la personnalité des deux adversaires et la consistance de leur programme, mais à défaut de faire basculer l’élection de dimanche, il a fait légèrement bouger le curseur en faveur de l’un ou de l’autre.
Le débat de l’entre deux tours, une institution
Lorsque les sondages sont très serrés, les petites phrases ou les attitudes des candidats revêtent une certaine importance. Quand Valéry Giscard d’Estaing réplique à François Mitterrand : « vous n’avez pas le monopole du cœur », il obtient un certain avantage et remporte l’élection présidentielle. Son adversaire prend sa revanche en 1981, avec sa phrase cinglante : « vous me traitez d’homme du passé, vous vous êtes un homme du passif ». C’est ainsi que le premier président socialiste fut élu. En 1988, la scène où Jacques Chirac lançait à François Mitterrand : « nous sommes deux candidats, vous n’êtes pas le président de la République et je ne suis pas votre Premier ministre », cela lui a valu la remarque ironique : « vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre ». En 2012, l’anaphore de François Hollande : « moi, président » a marqué les esprits et a définitivement déstabilisé Nicolas Sarkozy. En 2017, Emmanuel Macron a totalement décrédibilisé une Marine Lepen qui ne s’était pas bien préparée. Les électeurs français ont suivi le débat d’hier avec intérêt, mais il n’a pas été décisif. Il a conforté l’opinion des partisans de chacun des deux candidats, mais il n’a que faiblement influé sur la décision des abstentionnistes du premier tour.
Patrice RABE