Allons- nous continuer à voir ces scènes de vindicte populaire se produire sans aucune réaction des pouvoirs publics ? Le paroxysme a été atteint avec cette mise à mort atroce d’un incendiaire par son frère à Andapa. Les images de la décapitation et de la mutilation du coupable diffusées sur les réseaux sociaux choquent au plus haut point notre sensibilité. Les condamnations des différentes autorités au plus haut niveau semblent vaines lorsqu’on assiste à des actes aussi atroces.
Le règne de la barbarie et de l’intolérance
Le ministre de la Défense, le secrétaire d’état en charge de la gendarmerie et le ministre de la Sécurité Publique ont beau dire que les actes de vindicte populaire sont inadmissibles et qu’ils seront punis sévèrement par la loi, la pratique s’est banalisée et est tolérée par les autorités locales. La scène qui a choqué tout le monde s’est produite devant une foule complice et des forces de l’ordre sans réaction. Un membre éminent du barreau a dit sur une chaîne de télévision privée que la population ne peut pas être poursuivie car il peut s’agir d’un cas de légitime défense. Comme nous l’avions dit à maintes reprises, cette justice populaire qui s’applique facilement est le signe d’un divorce entre les membres de la société et les pouvoirs publics. Ces derniers préfèrent agir eux-mêmes et faire prévaloir leur propre justice car ils n’ont plus confiance dans l’Etat censé les protéger. Aujourd’hui, ils ne s’embarrassent plus de cette humanité et de ce sens de la mesure qui caractérisent les Malgaches. On revient à ces « dina » qui appliquent une justice sanglante et faisant appel aux instincts les plus primaires des justiciables. Dans certaines régions, elles ont force de loi et tout le monde s’y plie. Aujourd’hui, au début du XXIe siècle, doit- on revenir à une justice qui applique la loi du Talion ? Les Malgaches sont connus pour leur sens du « fihavanana » et de la tolérance. Dorénavant, si ces actes sanglants se renouvellent et on en prend le chemin, Madagascar sera le pays de l’intolérance et de la barbarie.
Patrice RABE