Députée de Madagascar élue dans le district de Farafangana, présidente déléguée de l’APF et membre de l’association parlementaire de la Commission de l’océan Indien, cette magistrate de formation parle à bon droit du Vème Sommet de la COI. Interview.
Midi : En tant que parlementaire, quel regard portez-vous sur la ferveur diplomatique de Madagascar ces derniers temps, notamment à travers l’organisation du Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement de la Commission de l’océan Indien (COI) qui se tiendra le 24 avril prochain à Antananarivo ?

Raby Savatsarah : « De prime abord, c’est une bonne chose et une grande opportunité pour Madagascar d’accueillir ce Ve Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement de la Commission de l’océan Indien (COI). Il s’agira, durant le sommet, de renforcer la coopération entre les États membres et de relever ensemble les défis communs. Forcément, cette rencontre au plus haut niveau aura un impact direct sur la coopération régionale. Chaque État membre a ses priorités, mais cela n’empêche qu’il pourrait y avoir des défis similaires. Ainsi, la tenue de ce sommet permettra de définir des priorités communes et de coordonner les efforts afin d’y trouver les solutions ensemble ».
Midi : Selon vous, quels avantages Madagascar peut espérer en accueillant ce Sommet régional tant sur le plan diplomatique, économique que social ?
Raby Savatsarah : « La COI, depuis sa création, encourage la coopération entre les îles dans plusieurs domaines tels que le transport, la sécurité maritime, le commerce, le tourisme, l’énergie, l’environnement. L’objectif étant de renforcer l’intégration régionale et de favoriser une croissance économique durable. Sur le plan commercial par exemple, nous avons intérêt, plus que les autres États membres, à définir une politique commerciale adaptée à notre intérêt et besoin. Il faut réfléchir sur la création d’une norme unique pour les pays de l’Océan Indien. Nous sommes un grand marché. Le thème principal qui sera développé durant ce Sommet est la « Sécurité et souveraineté alimentaires pour le développement du marché de l’Indianocéanie ». La sécurité alimentaire est l’un des priorités de la COI actuellement et surtout l’un des priorités majeures de notre président de la République, Andry Rajoelina. L’agriculture est un secteur important de l’économie nationale malgache, de même que pour les autres États membres de la COI, il y aura sûrement des projets de coopération agricole mis sur les tables durant ce Sommet. En outre, sur le plan diplomatique, ce sera également l’occasion pour Madagascar de rediscuter sur toutes les conventions bilatérales ou multilatérales existantes ».
Midi : Pensez-vous que ce sommet contribuera à améliorer l’image de Madagascar auprès des investisseurs et des partenaires techniques et financiers ?
Raby Savatsarah : « Effectivement, nous ne pourrions que tirer profit de la tenue de ce sommet. Il faut voir les côtés positifs des choses. Madagascar dispose de plusieurs atouts par rapport à nos voisins régionaux.
Le thématique de la sécurité alimentaire au centre des discussions de ce Vème sommet n’est pas un pur hasard. Ça reflète notre engagement et notre volonté de lutter contre la pauvreté. Tout comme les partenaires techniques et financiers, les membres observateurs de la Commission de l’océan Indien, en l’occurrence l’Union européenne, l’Agence française de développement, l’Organisation des Nations Unies, la Banque mondiale, la Chine, l’Inde et le Japon vont prendre part à cet événement. C’est une opportunité pour les investisseurs de trouver des ouvertures commerciales par rapport aux besoins des autres pays de l’océan Indien qui actuellement s’approvisionnent dans d’autres pays, c’est notamment le cas de l’île Maurice avec le maïs, l’île de la Réunion avec la viande de zébu, les fruits pour les Iles Comores etc. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’augmentation des taxes par les Etats Unis impactera forcément notre exportation de matières premières. D’où la nécessité de s’orienter vers d’autres horizons et d’étendre, d’améliorer et d’harmoniser nos relations commerciales avec nos pays voisins. Il serait temps d’aller vers un tarif douanier préférentiel entre les pays de l’Indianocéanie comme pratiqué par les pays de l’Union européenne ou de la SADC ».
Midi : Quelles opportunités concrètes ce sommet pourrait-il offrir aux citoyens malgaches dans le contexte social actuel ?
Raby Savatsarah : « Madagascar dispose des potentiels pour produire et assurer la sécurité alimentaire nationale et régionale de l’océan Indien à savoir : des terrains de production, des techniciens agricoles. Nous avons également des centres de recherche nationaux et des services techniques compétents. Il faut arriver à développer nos atouts pour devenir le grenier de l’Océan Indien. Pour la population malgaches, nous devons miser sur notre avenir. L’objectif pour le président de la République, Andry Rajoelina, est de répondre aux besoins du peuple malgaches c’est à dire, améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle de la population malgache, améliorer la distribution des produits vers la population, tout en promouvant la coopération régionale dans les domaines de la production et des échanges commerciaux. Nous espérons que ce Sommet initie des programmes et des politiques communs qui permettront d’intensifier la production et d’augmenter le volume des exportations à partir de Madagascar. De plus, il faut noter que les opérateurs malgaches n’ont jamais réussi à s’implanter véritablement au sein du marché régional de l’océan Indien malgré les potentiels existants. Nous constatons que les exportations étaient occasionnelles et souvent les prix non compétitifs. La tenue du Sommet est un moment clé pour Madagascar de mettre sur la table la discussion sur des actes jugés discriminatoires à travers la mise en place par les pays de l’océan Indien de barrières non tarifaires pour les produits malgaches. Il est temps de réfléchir sur une norme commerciale pour la COI, et cela ne peut être que avantageux pour nous. Le but final est d’augmenter la production, améliorer les conditions de vie des agriculteurs, renforcer la coopération régionale et approvisionner le marché régional en divers produits agricoles ».
Midi : Plusieurs travaux d’assainissement ont été engagés à Antananarivo à l’approche du Sommet de la COI. Comment garantir que ces actions d’embellissement ne soient pas uniquement cosmétiques ?
Raby Savatsarah : « Il n’y a pas de honte à être propre que ce soit aujourd’hui ou demain, l’important c’est la continuité de ses actions. Il reviendra à la commune d’Antananarivo de continuer ces travaux d’assainissement et ces actions d’embellissement après le Sommet. Le problème chez nous c’est que dans la majorité des cas, peu importe les décisions prises par le Gouvernement, il y aura toujours ceux qui se prennent pour des savants qui vont critiquer à tort et à travers. Nous devons avoir le sens de la chose publique c’est à dire que ce sont des biens communs que l’Etat est en train d’embellir en ce moment. Il appartient à nous tous de les entretenir. C’est la participation des citoyens à la chose publique qui se voit actuellement. Nous devons être fiers de pouvoir accueillir ce Vème Sommet, et pour ce faire, nous devons tous nous tendre la main ».
Propos recueillis par R.O