
Depuis son domicile parisien, entouré par les siens, le poète-historien congolais révéré, Martial Sinda, s’en est allé, dans la nuit du 16 juillet 2025, pour rejoindre le monde des Ancêtres-protecteurs. A l’époque difficile de la colonisation, Martial Sinda s’est levé pour le respect de l’homme noir et de sa culture. A l’âge de 20 ans, le 15 juin 1955, il publie à Paris aux éditions Seghers, le manifeste anticolonialisme Premier chant du départ. Il devient le premier poète de l’Afrique Équatoriale Française. L’année suivante, il est honoré par le Grand Prix Littéraire de l’AEF. Ce prix, réservé aux écrivains coloniaux, est remis, pour la première fois, à un Noir. Comme l’explique son fils Thierry Sinda, également poète et universitaire, Martial Sinda apporte au mouvement parisien de la Négritude sa sève congolaise, tout comme ses compagnons de lutte Jacques Rabemananjara et Flavien Ranaivo apportent leur sève malgache. La Négritude est l’addition des révoltes de damnés noirs et assimilés des colonies africaines de l’Afrique Occidentale française, de l’Afrique Équatoriale Française et de Madagascar. Sur le plan scientifique, Martial Sinda est le premier aéfien (de l’AEF) à soutenir, en 1961 en Sorbonne, une thèse de doctorat en lettres. Son travail scientifique d’historien est interdisciplinaire. Il fait appel à l’histoire, au sociétal, à la sociologie voire au politique. Il porte sur les mouvements de résistance face à la domination coloniale excessive dans les deux Congo et en Angola (l’ancien royaume du Kongo). En 1972, sa thèse devient l’ouvrage de références Le messianisme congolais et ses incidences politiques publié aux éditions Payot. Ce fut un événement éditorial et scientifique. En 1974, Martial Sinda est honoré pour son livre du Prix Georges Bruel de l’Académie des sciences d’Outre-Mer. En 2011, pour ses travaux sur Simon Kimbangu, il est élevé au grade de docteur honoris causa de l’Université Simon Kimbangu à Kinshasa en RDC. Professeur honoraire en histoire contemporaine à la Sorbonne, il est fait chevalier de l’Ordre des Palmes académiques. En mars 2025, pour commémorer les 70 ans de la publication du Premier chant du départ, les éditions Orphie l’on réédité en version augmentée et commentée.
Patrice RABE