jeudi, avril 3, 2025
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Les désavoués par la nouvelle génération

Justin Bezara, Bezaka Alexis, ces personnages clés de la lutte anticoloniale de la deuxième moitié des années 1940 jusqu’à l’indépendance ont inspiré la nouvelle génération avec leur volonté, leur charisme, ainsi que leur pragmatisme qui leur ont permis de séduire le cœur des « intellectuels côtiers » du Triangle du Nord.

En outre, leur nomination au sein du gouvernement provisoire de 1957, leur participation aux élections communales qui se sont déroulées en 1956 et en 1959 en ont fait des hommes forts de leurs localités respectives, Antsiranana et Toamasina. En 1960, Madagascar obtient son indépendance. Croyant avoir accompli leur mission, ils se tournent vers le régime de Tsiranana. Tous deux ont créé des associations politiques dans le but de rassembler le peuple.

Toutefois, leur destin était différent. Alexis Bezaka, maire depuis 1958, a connu un succès fulgurant à Toamasina. Il a dirigé la capitale Betsimisaraka pendant plus de deux décennies, alors que les électeurs de Justin Bezara lui tournent le dos. À 64 ans, ce natif d’Andranofanjava, postule pour être élu député de la ville d’Antsiranana mais n’engrange que 4% des voix. Ceci marque la chute d’un homme qui a marqué l’histoire de la jeune province. Vieillissant, l’ancien président de la Section MDRM se retire peu à peu de l’arène politique jusqu’à sa mort le 16 février 1968.

La référence a tiré sa révérence. Ses contemporains, ces têtes pensantes d’autrefois, sont en quelque sorte démembrés, incapables de se tenir debout car l’âge a fait son effet.

La page est tournée

Les politiciens de la génération 1900 se rendent compte que la vie politique a pris une autre dimension. De plus, les jeunes ont pris le relais. Faut-il dire, en toute neutralité, qu’il n’y avait eu de passation de flambeau entre l’ainé et le benjamin. Certes, des formations ont été livrées aux jeunes désirant construire leur carrière politique du temps de l’AKFM. Cependant, les anciens ont peut-être jalousement gardé leurs connaissances. Ce caractère particulier des élites du Triangle du Nord favorise la désunion.

Il est vrai que Diego et Tamatave étaient des bases solides en termes de lutte anticoloniale dans les années précédentes. Elles étaient réputées par leur esprit inébranlable. La population leur accordait une grande confiance. Pourtant, la fin de 1960 a changé la donne. Les élites locales se référaient à l’avis de ces grands manitous.

« Il faut le dire qu’aux yeux des non-Merina, le père de l’indépendance incarnait la population tanindrana. Donc, celle-ci voyait en lui l’espoir. De plus, il a toujours dit qu’auparavant il était bouvier. En fait, c’était un message à passer auprès de ces paysans qui n’avaient aucun espoir de devenir un homme politique. D’autre part, c’est un clin d’œil pour les citoyens hors des Hautes Terres Centrales. Durant la colonisation, l’archétype des fonctionnaires correspondait, si j’ose dire, à nos compatriotes de cette région. De ce fait, il y avait de l’espoir du côté des côtiers. Enfin, se disent-ils, nous sommes au sommet ! », a expliqué Moïse Toly, un contemporain de l’époque. Ainsi, bon nombre des nationalistes des provinces ont basculé naturellement vers le parti au pouvoir, le Parti Social-démocrate (PSD). L’indépendance, octroyée à l’amiable par la France, sera dorénavant perçue comme une ascension de l’élite côtière. Ces faits sont d’ailleurs soulevés par le chef de l’opposition, le pasteur rouge Richard Andriamanjato lors d’un entretien avec un journaliste de la télévision française, l’Ina en 1960. Ce communisant fait allusion au fait que le panorama politique de l’époque était dominé par un seul groupe humain. Cette vue d’ensemble n’est pas totalement fausse. La Première République s’avère être une circonstance favorable pour les proches collaborateurs du président. Par contre, Philibert Tsiranana ne se comportait pas comme la plupart de ses homologues africains qui ont exhibé ouvertement leur appartenance ethnique. Il était rassembleur. Le rapatriement des trois ex-dirigeants du parti nationaliste MDRM en avril 1960 est une preuve palpable. Dès que les trois anciens députés élus en 1946 sont revenus au pays, le président les accueille à bras ouverts, une accolade fraternelle! Autrement dit, certains historiens interprètent ce geste comme un signe de réconciliation. Bien entendu, l’attitude du locataire d’Andafiavaratra a convaincu deux d’entre eux, Jacques Rabemananjara et le docteur Joseph Ravoahangy Andrianavalona. Ces derniers seront, par la suite, intégrés dans le gouvernement.

En réalité, le concept ethnique a été implicitement manœuvré par les politiciens dès la colonisation. L’Hexagone n’ a fait que l’ accentuer avec sa politique de « diviser pour régner».

En somme, la plupart des élites du Nord sont oubliées. La génération actuelle les ignore. Elle n’a aucun souvenir d’elles !

Iss Heridiny

 

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