Durant la colonisation, et même de nos jours, l’école constitue un vecteur de la civilisation occidentale. Il s’agit d’un moyen de supplanter les organisations sociales traditionnelles déjà bien établies. En plus, le pouvoir veut instruire les enfants malgaches et faire des institutions scolaires un rempart contre l’ignorance. Or, les autochtones sur les zones littorales semblent non motivés pour ces nouvelles institutions. Pour parvenir à leur dessein, il faut que les Malgaches soient divisés dans différentes régions, différents groupes et jouissent d’un même statut au sein du système colonial.
C’est ainsi que la machine coloniale fonctionne convenablement. Par ailleurs, la société sakalava est très inégalitaire à l’origine. Certains groupes sont victimes d’exclusion, par le mariage ou par la dignité sociale, dans la vie sociale. En plus, l’administration coloniale veut abolir ce genre de discrimination intergroupe et tente d’imposer la sienne. Bien qu’au début, la réussite sociale s’acquiert par l’appartenance à la famille de notable ou par la possession de richesses, notamment, l’argent, les bœufs. Ces groupes de personnes ont la possibilité d’envoyer leurs enfants à l’école mais demeurent minoritaires dans certaines régions. Cette situation est accentuée par le système politique qui privilégie les couches supérieures de la société (les roitelets, les riches, les fonctionnaires autochtones). En outre, fréquenter l’école dispense des travaux forcés comme les travaux de champs, le gardiennage des troupeaux, le portage et surtout les charges fiscales. Dès qu’un enfant atteint l’âge de la scolarisation, les parents lui laissent le choix : soit tenir l’angady, soit aller à l’école.
Les élites. Il existe deux types d’administration durant la période coloniale : le type européen et celui d’indigène. Les personnels européens ne peuvent pas administrer le pays sans le service du second groupe. Les échelons supérieurs sont réservés aux fonctionnaires français comme les postes des gouverneurs généraux, les chefs de provinces, les chefs de districts, la direction des services d’enseignement, les chefs des circonscriptions. De plus, la structure d’administration accorde des faveurs aux Français même s’ils sont minoritaires dans la colonie. L’administration veut sélectionner ses collaborateurs, lesquels doivent passer par l’école et surtout acquérir une formation à Le Myre de Villers. Cette scolarisation constitue l’unique moyen d’accéder aux services publics. Sur ce point, le général Gallieni a fait remarquer que : « La question de l’enseignement exerce une telle influence sur les conditions politiques et économiques d’un pays qu’il est impossible à l’administration supérieure de s’en désintéresser. » Ces propos prouvent que l’administration veut faire des institutions scolaires un rouage de l’Etat. D’ailleurs à Madagascar, les cadres et les intellectuels sont majoritairement des Merina tout au long de la période de notre étude, ceci grâce à leur avance en matière d´éducation. Cette situation devient un problème pour l’administration de la colonie. Par exemple, les enfants sakalava et tsimihety préfèrent que leurs instituteurs soient originaires de leur village sinon ils font l’objet de moquerie à cause de leur accent. En effet, l’administration sait que les originaires des Hautes Terres ne sont pas bien accueillis dans les régions côtières. D’abord, l’administration coloniale veut faciliter les services locaux à travers ces cadres locaux qui connaissent mieux les problèmes de leurs villages et de leurs compatriotes. Sur ce point, le régime colonial veut créer un patriotisme régional, en d’autres termes, l’ethnocentrisme. En outre, après l’abolition de l’esclavage au début de l’ère coloniale, les affranchis cherchent leur part du soleil au sein de l’administration et veulent intégrer la société, le monde des Malgaches par le biais de l’éducation. Mais les divisions en groupes statutaires passées mettent du temps à s’estomper.
Recueillis par Iss Heridiny