Les écoliers ont appris leur nom par cœur. Ils ont des intérêts capitaux car l’eau c’est la vie. Un fleuve est parfois source de conflits et oblige les habitants à s’allier contre les envahisseurs. Il arrose les champs. Lieu de mémoire car il a un bagage historique, les rituels s’y pratiquent, tout simplement parce qu’il est sacré. Ses bords servent aussi de points de rencontre pour les amoureux. Il offre une vue magnifique à ceux qui veulent du calme. Plus d’une bonne soixantaine de fleuves arrosent la Grande île, tous ont de la valeur aussi bien historique que culturelle.
Le cours d’eau est puissant, il est la clé du développement car influe sur le dynamisme humain. Le transport et l’irrigation dépendent de son flux. Les Malgaches et l’eau, c’est le grand amour ! Étant purificatrice, cette dernière est symbolique. Elle inonde les rizières, elle irrigue les canaux, et surtout, fait renaître. En outre, le fleuve joue un rôle prépondérant dans la tradition. Il sert à laver la plaie de la circoncision. Dans les autres régions, les femmes enceintes de 8 mois y prennent un bain, car d’après les tenants de la coutume, « l’eau, au contact du ventre, aide le bébé à ajuster sa position ». Les Anciens assimilaient cet usage au baptême. « Nous – Malgaches – avons connu le baptême bien avant l’arrivée du christianisme. A son septième mois de grossesse, la famille accompagne la femme en gestation dans un cours d’eau. Elle se met à genoux le ventre face au courant. À genoux parce qu’il faut que son tronc soit totalement immergé, et pour que le bébé ressente dans les profondeurs qu’il y a une connexion entre l’intérieur et l’extérieur », a expliqué BaBan’i Amba, un gardien traditionnel du côté d’Ampasira. Le fleuve est aussi un gardien de mémoire, comme Fiherena, là où le royaume Masikoro esquissait sa structure sociale. Source de pouvoir, ce cours d’eau devient le nom d’une région. C’est également le cas de Betsiboka, ce grand fleuve qui se jette dans le Canal de Mozambique. Mesurant plus de 525 kilomètres de long, il traverse Antananarivo et poursuit sa route jusqu’à la Baie de Bombetoka. Betsiboka est désormais le toponyme d’une région de la province de Mahajanga. Onilahy, Sambirano, Mahavavy, Matitàna et les innombrables grands ruisseaux sont des emblèmes de Madagascar. Le peuple, à travers les rites et coutumes, reconnaît la puissance des fleuves. Utilisé depuis des siècles en tant que voie de transport, il assure également la communication humaine. Source d’inondation, il peut se mettre en colère quand les étrangers transgressent les tabous.

L’Onilahy, « L’un des plus importants fleuves du sud-ouest de Madagascar, se prolonge sur le talus continental malgache par un canyon sous-marin encaissé, méandriforme, bien visible encore à 2 600 m de profondeur, recevant sur sa rive droite deux affluents, eux-mêmes encaissés et de parcours sinueux. Une vallée sous-marine importante apparaît d’autre part en face de l’embouchure actuelle du Fiherenana, plus au nord. L’origine la plus probable des divers canyons de la région de Tuléar est soit un creusement à l’air libre par les fleuves et cours d’eau au moment de la période régressive néogène, suivi d’une subsidence côtière plio-quaternaire, soit un creusement par les courants de turbidité qui balaient périodiquement le talweg principal » Morphologie et sédimentologie du canyon sous-marin de Onilahy ( Sud-ouest de Madagascar) René Battistini, E. Vernier, G Casellato. Directeur du département de Géographie – Université d’ Orléans, 45015 Orléans-Cedex Géologue de l’0 RSTOM.

Matitanana. Maty : la mort ou paralysé, tanàna, la main. Situé dans la région Atsimo-Antsinana, ce cours d’eau de 410 km de long puise sa source derrière le massif d’Iharanila. Matitanana arrose les bourgs comme Farafangana, Vohipeno.

Betsiboka, avec plus de 600 km de long, prend sa source à Antananarivo, et irrigue les champs dès la capitale jusqu’à l’ouest de Madagascar. La légende affirme qu’il a fortement contribué à la circulation des hommes et des marchandises entre le royaume merina et le royaume sakalava.

Sambirano
Avec 124 km de long, il est la raison d’être de la royauté de Bemazava. Ambanja est d’une richesse énorme. Son microclimat permet aux habitants de produire différentes cultures grâce au fleuve Sambirano. Capitale du cacao, Ambanja joue un rôle prépondérant dans l’économie de la région Diana. Cette contrée est également un carrefour culturel où siègent les Sakalava Bemazava. Un groupe humain qui a son propre souverain, Tsiaraso IV le gardien traditionnel qui a toujours son mot à dire même si la modernité a presque entièrement envahit le cœur de la population locale.

Mahavavy. Ce fleuve de 160 km de longueur est chargé d’histoire et de souvenirs. Source d’existence de l’Ankarana bien que le nom de ce royaume soit connu étant le lieu de la grotte, ce cours d’eau a sacralisé le premier monarque Kozobe. Patrimoine, lieu de culte et mémoire, ce sanctuaire est une zone de protection pour les zanatany. Pourtant, d’après l’ampanjaka Issa Tsimiharo III, « ces 10 dernières années, l’élevage porcin se développe alors que c’est formellement interdit. Le comble, les intendants autorisent les porchers à continuer leur activité qui outrepasse l’ordre établi par les aïeux. Donc, étant gardiens traditionnels, il est de notre devoir d’informer toute la population de la région. Ceci dit, toutes les pratiques religieuses sont tolérées, excepté dans ces lieux cités ». (Interview 5 juin 2025)
Iss Heridiny