Madagascar doit libérer l’investissement privé pour relever les défis énergétiques et assurer un avenir durable, selon Atou Seck, Komenan Koffi et Tsiry Andriantahina, spécialistes en énergie à la Banque mondiale Madagascar.
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Madagascar se trouve à un tournant décisif dans sa quête d’un accès généralisé à l’électricité. Avec une population majoritairement privée d’une énergie stable, le pays s’est fixé un objectif ambitieux : atteindre 80 % d’accès à l’électricité et augmenter la part des énergies renouvelables à 85 % dans le mix énergétique d’ici 2030. Pour réussir, Madagascar devra lever plus de 7,2 milliards de dollars, dont plus de 4,5 milliards doivent provenir du secteur privé, selon les spécialistes auprès de la Banque mondiale Madagascar. Actuellement, seulement 36 % des Malagasy ont accès à l’électricité, et ceux qui en bénéficient font face à des coupures fréquentes et imprévisibles. La crise énergétique actuelle découle de plusieurs décennies de négligence, marquées par la dépendance excessive de la société d’État Jirama au fuel, l’inefficacité de ses infrastructures vieillissantes, ainsi que des déficits financiers récurrents. Ces problèmes ont engendré une situation où la capacité de production d’électricité est insuffisante pour répondre aux besoins croissants de la population et des entreprises.
Besoin d’action
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Pour garantir un approvisionnement énergétique stable, Madagascar doit rénover les infrastructures existantes, encourager le secteur privé à développer de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable, notamment solaire, et améliorer le réseau de distribution pour éviter des pertes considérables. Ces actions sont indispensables pour éviter que les délestages massifs ne deviennent une norme. Pour catalyser le changement, le gouvernement malgache a lancé le Pacte Énergétique National, soutenu par des initiatives telles que le Sommet africain de l’énergie « Mission 300 » en Tanzanie en janvier 2025. Ce pacte prévoit de raccorder chaque année 2,2 millions de personnes, en grande partie grâce aux mini-réseaux privés et aux kits solaires individuels. Ce projet vise également à créer un environnement propice à l’investissement privé, élément clé pour atteindre les objectifs de 2030.
3P indispensable. Le secteur privé, bien qu’en partie freiné par les difficultés financières de la Jirama, est prêt à s’impliquer. Des projets comme le programme LEAD (Least-Cost Electricity Access Development), soutenu par la Banque mondiale, montrent déjà l’impact positif de l’investissement privé, ayant permis à plus de 1,5 million de personnes d’accéder à l’énergie. Le Fonds DECIM, lancé en janvier 2025, permettra de renforcer ces efforts et soutiendra l’expansion des projets d’énergie hors réseau. Toutefois, pour que ces investissements privés se concrétisent, il est crucial de réformer la Jirama et de garantir aux investisseurs un cadre juridique stable et attractif, selon les spécialistes. Si ces conditions sont remplies, le secteur privé pourrait contribuer à augmenter la capacité de production de 130 MW d’ici 2026, réduisant ainsi les coupures d’électricité et assurant un service plus stable. En conclusion, Madagascar se trouve à un carrefour énergétique où le soutien du secteur privé est indispensable pour réussir sa transition énergétique. À travers des réformes structurelles et un environnement propice aux investissements, le pays pourrait franchir un pas décisif vers un accès universel à l’électricité. Mais sans action immédiate, les longues coupures vont se répéter, selon les trois spécialsites de la Banque mondiale Madagascar.
Antsa R.