C’est une île de 321 km2. Historiquement, c’est un fief de Sakalava sous la reine Tsiomeko. Dans la ville de Hell-Ville, les traces de la culture ancestrale deviennent de plus en plus marginales. Pourtant, une organisation bien tangible est constatée sur le respect particulier de la famille des Ampanjaka. Ce respect s’illustre par l’interdiction de l’insulte envers les membres de la famille des Ampanjaka : « fadymagnasahaampanjaka ».
Lors de notre entretien avec Landry Belelahy, nous avons pu connaître les réels problèmes de l’île aux parfums. Interview !
Midi Madagasikara. La culture de la région est-elle conservée bien que la culture occidentale gagne du terrain dans la ville ?
Landry Belelahy. Certaines cultures ancestrales des Ampanjaka ne sont plus respectées par les habitants. On peut citer la construction des maisons en étage qui ne devraient pas dépasser le toit de la demeure royale d’une part et le non-respect de la sacralité du domaine de la demeure royale d’autre part. Un exemple, au marché d’Andavakotoko, les prostitués (kijamanjôfo) font leur travail juste à côté de la demeure royale et la côte devient le dépotoir de déchets de toutes sortes. L’arrivée des étrangers (Européens et ceux des îles de l’Océan Indien) méconnaissant la culture régionale ne fait qu’aggraver le mépris de la culture locale. Les étrangers, souvent des investisseurs économiques dans le secteur touristique, ne prennent pas en compte l’importance de la culture de l’île. Les représentants de la famille royale à Nosy-Be n’osent pas intervenir face aux agissements des Européens pour le respect de la culture. Ce qui pourrait être à l’origine de la marginalisation de la tradition à Nosy-Be. Les Malgaches autochtones qui ne font pas partie de la lignée royale hésitent fortement quand il s’agit de se marier avec les filles (princesses) du clan royal. Ce qui fait que même les descendants de la lignée royale ont des difficultés pour vivre en accord avec leur tradition. Les procédures constituent un lourd fardeau pour la jeunesse et les enfants nés de ces mariages “mixtes” appartiennent obligatoirement à la famille royale. Traditionnellement, le père qui n’est pas issu du clan royal ne possède aucun droit sur l’enfant né du mariage avec une femme de la lignée royale. Cela provoque des discordances entre les familles et conduit vers l’abolition progressive de la tradition puisque les jeunes issus de la noblesse ont du mal à trouver des maris.
M M: Nosy-Be Hell-ville, un paradis pour les uns, capitale du tourisme sexuel pour les autres. Pouvez-vous nous exposer les problématiques auxquelles l’île a été confrontée durant ces deux dernières décennies ?
L.B. Le contexte économique de Nosy-Be avant l’an 2000 était optimal et a permis aux habitants de bénéficier d’un niveau de vie largement supérieur à la moyenne nationale. La bonne santé des deux industries phares de l’île explique cette situation. La sucrerie (SIRAMA) de Dzamandzar et la Pêcherie de Nosy-Be (PNB) employaient plus de 70% de la population nosy-béenne (source : base de données District de Nosy-Be). En revanche, le basculement de l’histoire politique au début de l’année 2000 a plongé l’économie de l’île dans une dégringolade inespérée. En 2002, le pays a sombré dans la crise politique, cela a conduit à la chute de la SIRAMA et de la Pêcherie de Nosy-Be (PNB). À compter de cette date, le tourisme est devenu le secteur économique le plus prometteur. Pourtant, la population active n’était pas préparée à ce changement structurel de l’économie qui a demandé des aptitudes particulières, entre autres, la maîtrise de langues étrangères (français, anglais, allemand). Dès lors, la chance de gagner de l’argent a basculé du côté du sexe féminin. Les jeunes femmes malgaches souffrant de la précarité économique étaient en proie à l’attraction touristique, à la satisfaction charnelle et sexuelle des touristes. C’est à partir de cette année que la population nosy-béenne était consciente de l’importance du secteur touristique de l’île. Depuis, les jeunes en âge de travailler se donnaient pour unique objectif de trouver un emploi dans le secteur touristique (restauration, hôtellerie, cabaret etc). Lorsqu’on demandait à une petite fille de 3 à 10 ans ce qu’elle pensait embrasser comme carrière professionnelle, elle n’hésite pas à vous répondre qu’elle espère se marier avec un étranger. Les jeunes garçons, pour leur part, sont devenus des gigolos (jaombilo) auprès des femmes des étrangers. Les investissements étaient principalement orientés vers le secteur touristique. Enfin, même les autochtones ne pensaient à vendre leurs parcelles qu’aux vazaha.
M M : Nosy-Be a-t-elle gardé son identité culturelle et son insularité ?
L.B L’insularité de Nosy-Be donne une certaine identité particulière aux habitants. Les Nosy-béens sont réputés pour être les plus fêtards de l’île. Ils n’hésitent pas à dépenser quand il s’agit d’une ambiance musicale, car ils sont sûrs et certains de pouvoir gagner des euros dans les jours à venir, dès qu’un touriste pointe à l’horizon. Encore faut-il mentionner l’évolution de la communication, notamment en langue étrangère, surtout l’italien, depuis l’ouverture du vol international Milan – Nosy-Be. Le mélange des langues étrangères avec le dialecte nosy-béen est courant chez les habitants. L’influence musicale d’origine américaine, le rap, le rnb, le dance hall donne un nouvel accent à la prononciation anglaise pour les jeunes. Le dialecte de Nosy-Be est empreint d’une certaine singularité par rapport à celui pratiqué dans l’ensemble de la région DIANA. Les Nosy-béens disent « azaatsendriky, ambesaatsendriky » qui veut dire littéralement « attendez ». En fait, être Nosy-béen est une grande fierté de la jeunesse puisque l’île de Nosy-Be est considérée comme étant la plus avancée de la région. Les Nosy-béens s’habillent avec des vêtements de haute gamme et utilisent des smartphones derniers cris. En réalité, ces objets valeureux sont souvent des cadeaux obtenus de touristes, de la famille à l’étranger etc. Donc, à Nosy-Be, on ne parle qu’en euro. C’est-à-dire que le style de vie nosy-béen est calqué sur un modèle plutôt européen avec des influences comoriennes et sakalava. On reconnaît aussi l’identité culturelle de Nosy-Be à partir de la danse traditionnelle : combinaison de salegy (kawitry) et de mogòdro(style musical comorien). Cette identité conduit vers une revendication imaginaire de l’indépendance puisqu’on est à Andafy.
M M. Nosy-Be et le coronavirus. Quels sont les impacts globaux?
L.B. L’avènement du coronavirus nous a révélé que l’indépendance revendiquée par les Nosy-béens, ou le fait de vouloir se distinguer n’est qu’une illusion. Cette crise sanitaire a prouvé que Nosy-Be ne peut pas vivre en autarcie et ne s’est jamais préparée à une réelle autonomie. La fermeture de l’aéroport sur le plan touristique, et le port pour les échanges avec la Grande Terre a étouffé l’économie de l’île. Plus aucun secteur économique n’a pu être florissant dès que la mer et la voie aérienne ont été coupées. Les habitants de Nosy-Be comptent parmi les Malgaches qui se sont révoltés contre les mesures sanitaires liées au coronavirus. Dès que le secteur touristique a été affecté par la crise sanitaire, les autres alternatives secondaires ont connu le même sort.
Propos recueillis par Iss Heridiny
Je suis français je voudrais rentrer en contact avec des francophones pour connaître mieux nosybe
Cordialement