Les érudits malgaches, spécialistes en sciences sociales, ont exposé le fruit de leur recherche en produisant des ouvrages. Cette année 2025 a vu des livres spécifiques paraître. Historiens, politistes ont plus contribué à l’évolution de leur discipline respective. Les enseignants-chercheurs malgaches n’ont rien à envier à ceux de l’étranger. Ils ont la compétence et la qualité.

Les Betsimisaraka : formation et gouvernance d’un État précolonial à Madagascar (XVII au XIXè siècle). Chaplain Toto, historien de formation, enseignant-chercheur a poursuivi ses études universitaires à Toamasina. Cette tête pensante a soutenu sa volumineuse thèse à l’Université d’Antananarivo en 2018 durant laquelle il a analysé « Les formations politiques de l’Est malgache depuis la protohistoire ». Ce directeur du Centre d’Études et Recherches ethnologiques et Linguistiques et en charge de l’Institut du Tourisme des Patrimoines et Territoires a sorti un livre sur « les Betsimisaraka : formation et gouvernance d’un État précolonial à Madagascar (XVII au XIXè siècle) ». D’après lui, « le livre retrace les origines et la fondation du Royaume des Betsimisaraka par Ratsimilaho. Imaginé par beaucoup comme une ethnie alors que les Betsimisaraka est un regroupement de plusieurs petites formations politiques. Parmi les plus puissants étaient les Zafirabay dans le fond de la baie d’Antongil. Mais les ancêtres des Zafirabay venaient de Sambirano, d’un petit village du bord du fleuve Maevarano, dans les environs du village Bifotaka d’aujourd’hui. Depuis la seconde moitié du XVIIè siècle, les Zafirabay dominent la vie sociopolitique dans le fond de la baie d’Antongil ».

« Zafy, Ratsiraka, Ravalomanana, trois occasions manquées pour une société démocratique à Madagascar ». Les dirigeants de la Refondation de la République de Madagascar devraient lire cet ouvrage pour connaître les failles des leurs prédécesseurs. « Après les années révolutionnaires de la Deuxième République, Madagascar a emprunté la voie de la démocratie occidentale avec la Troisième République. Or, les trois présidents qui se sont succédé n’ont pas su mettre en valeur ce principe de société démocratique », a soutenu l’auteur Pr Jeannot Rasoloarison. En effet, ce système politique perdure. Les personnalités changent, mais le système demeure. Il s’avère que les administrations qui se sont succédé n’ont pas retenu la moindre leçon d’histoire !

« Union nationaliste impossible. Histoire d’un fiasco politique à la veille de l’indépendance de Madagascar ». Comme à son habitude, Dr Denis Alexandre Lahiniriko nage à contre-courant. « … ce livre permet de mieux comprendre l’histoire politique contemporaine de Madagascar. Les jeux politiques des années 1940-1950 laissent entrevoir la naissance et le développement de la « culture politique unioniste » prônée par les forces de l’opposition durant les différentes Républiques que le pays a connues. Cette culture est une réponse à la division politique partisane. Elle permet ainsi de comprendre pourquoi l’opposition au régime établi constitue toujours une force politique faible. Depuis les années 1950, cette culture politique permet aux acteurs politiques de ne pas s’intéresser aux réalités du moment. Elle prône, en réalité, une « lecture morale » voire moralisatrice des enjeux politiques. Ses partisans croient ainsi qu’ils représentent le » bien » et à ce titre leur cause est forcément juste. Ils sont toujours divisés et dans l’incapacité de promouvoir une union politique ». Ensuite il enchaîne avec un autre livre, Madagascar sous la Deuxième République (1975-1992). L’historien-Journaliste fait voyager les lecteurs dans le temps, de l’époque du socialisme malgache. Il est à noter que Dr Lahiniriko a été désigné directeur du Patrimoine au sein du ministère de la Communication et de la Culture.

« La France au miroir de Madagascar : Liberté, Égalité, Fihavanana ». Professeur en histoire-géographie en région Parisienne depuis 1994, Claudia Jeannot-Leconte a apporté sa part à l’édifice de l’histoire de Madagascar en général, et l’époque qu’elle a traversée. Entre autobiographie et égo-histoire, l’ouvrage est un aperçu d’une chronique sociale des Malgaches dès la période précoloniale jusqu’à nos jours. L’écrivaine relie les récits historiques qui paraissent d’une manière discontinue avec une plume pointue… le pourquoi de la cause ! Sous un autre angle, Claudia Jeannot-Leconte favorise l’unité nationale en mettant en valeur la diversité ethnique, une force pour aller de l’avant, facteur de développement socio-économique.

« Le façonnement de l’État en post-colonie indianocéanique : L’hybridité malgache» de Juvence F. Ramasy. Ce maître de conférence, enseignant-chercheur spécialiste en science politique de l’Université de Toamasina illustre entre les lignes la domination des « élites détentrices du pouvoir » qui jouent un rôle primordial dans le domaine politique malgache. Chefs d’orchestre choisissant leur « partition », ces derniers « vont investir la société politique en orientant la trajectoire de l’État tout en donnant un sens à la démocratie ».
En définitive, les enseignants des Universités de Madagascar consacrent la moitié de leur vie à effectuer des recherches afin que la nation ait une boussole. La vie socio-politique malgache actuelle n’est que le résultat des évènements du passé. Si les historiens comme Pr Jeannot Rasoloarison, Dr Denis A. Lahiniriko ou encore Claudia Jeannot-Leconte éclairent les lanternes, les spécialistes en science politique comme Juvence F. Ramasy essaient de comprendre l’état des choses. Ces livres prouvent l’importance de l’interdisciplinarité.
Iss Heridiny



