La liberté de la presse est l’un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui repose sur la liberté d’opinion, la liberté de pensée et d’expression. Ainsi, l’article 11 de la Déclaration française des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. » L’article 19 de Déclaration universelle des droits de l’homme aussi dispose la protection de la liberté de la presse.
Balises. La Constitution de Madagascar garantit la liberté d’expression et la liberté de presse, mais cette liberté est rarement effective. La conception de la loi, que ce soit celle datée de 1990 que le Code de la Communication qui vient d’être voté au Parlement, est très orientée sur les limites de la liberté de presse. Elle pose des balises de plus en plus strictes autour de la pratique du journalisme. Elle ne facilite en rien le travail du journaliste dans le dessein d’améliorer la qualité de l’information. On ne peut que se féliciter de la dépénalisation du délit de presse. Par contre, le nouveau Code de la Communication prévoit des sanctions plus lourdes financièrement. Le journaliste est directement épinglé et n’est plus protégé par le directeur de la publication qui sera coresponsable au même titre que le rédacteur en chef. Les organes de presse peuvent aussi être frappés d’une très forte amende qui va le conduire à la fermeture. Le vrai danger pour la liberté de la presse à Madagascar est la mainmise du ministère de la Communication sur les chaînes publiques. L’accès des opposants à la télévision et à la radio nationale est totalement inexistant.
Revers pour la démocratie. La situation à Madagascar, dirigée par le président Hery Rajaonarimampianina depuis 2014, est globalement calme, mais le débat démocratique reste limité. L’Assemblée nationale a adopté en catimini une loi contre la cybercriminalité prévoyant des peines de prison ferme pour toute personne ayant publié des « injures » ou « diffamations » à l’encontre des représentants de l’Etat par voie électronique. Discutée et adoptée dans la plus grande discrétion, cette loi fait pourtant largement parler d’elle depuis que les journalistes, blogueurs et usagers des réseaux sociaux ont pu en prendre connaissance. Tous pourront désormais être arrêtés et purger des peines de prison suite à la publication de propos perçus comme diffamatoires ou injurieux par les autorités du pays. L’article 20 de la loi stipule notamment que « l’injure ou la diffamation commise envers » les représentants de l’Etat par le biais de supports écrits ou électroniques sera punie de deux à cinq ans d’emprisonnement et/ou d’une amende de 2.000.000 (600 euros) à 100.000.000 d’ariary (30 000 euros). L’Union internationale de la Presse Francophone (UPF) et Reporters sans frontières (RSF) protestent contre l’adoption par le Parlement de ce nouveau Code de la communication, qui marque un revers pour la démocratie et la liberté d’expression.Haut du formulaire Certes, les peines d’emprisonnement contre les journalistes ont été retirées, toutefois, ce nouveau Code de la Communication prévoit, dans des termes trop vagues pour être sécurisants, des peines d’amendes démesurées pour certains délits commis par voie de presse, notamment la diffamation. Certains articles de cette loi sont une atteinte fondamentale à la liberté de l’information. La disproportion des peines envoie un message tout à fait menaçant aux journalistes qui risquent de tomber dans l’autocensure.Bas du formulaire
Répercussions. RSF et l’UPF ont lancé un appel à l’endroit des responsables politiques à revenir sur ces dispositions et à adopter le texte issu de la concertation effectuée avec les organisations de journalistes et de dirigeants de médias. Les deux organisations expriment leur inquiétude face à ce revirement et leur solidarité avec les journalistes et les médias malgaches. Pour le moment, le régime continue de faire la sourde oreille malgré les nombreuses interpellations lancées entre autres, par le Système des Nations unies, les Etats Unis, l’Union européenne, ainsi que toutes les associations et organisations internationales œuvrant dans les domaines de la défense des droits de l’Homme. Cette situation risque d’avoir des répercussions sur le Sommet des chefs d’Etat francophones qui aura lieu à Antananarivo en novembre 2016. La couverture médiatique de la 42e Session de l’APF qui s’est déroulée à Antananarivo la semaine dernière s’est vu boycotter par la presse privée.
Les atteintes à la liberté de la presse. Les atteintes à la liberté de la presse se manifestent notamment par : l’assassinat de journalistes, l’emprisonnement de journalistes, l’enlèvement de journalistes, l’agression de journalistes, les menaces de journalistes, les pressions fiscales, financières ou politiques sur la rédaction.
Charte de Munich : La Charte de déontologie de Munich (ou Déclaration des devoirs et des droits des journalistes), signée le 24 novembre 1971 à Munich est une référence concernant la déontologie du journalisme, en distinguant dix devoirs et cinq droits.
Protection par le droit international. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme stipule que : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
La Déclaration universelle des droits de l’Homme ne spécifie pas les conditions particulières ni restrictions à cette liberté d’expression, cependant, un certain nombre de juridictions, sous l’égide des Nations unies et des pays y adhérant restreignent toutefois cette liberté en interdisant les propos incitant à la haine raciale, nationale, ou religieuse et relevant de l’appel au meurtre qui sont des délits interdits par la loi. (Aussi relative article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966).
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale des Nations unies et qui est un traité international applicable par ses signataires, précise que la liberté d’expression comprend « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce sans considération de frontière » (article 19).
Madagascar au 56e rang mondial. Ce palmarès – qui fait référence dans l’ensemble du monde – révèle les positions relatives de 180 pays au regard de la latitude d’action de leurs journalistes. Au vu des indices régionaux, il apparaît que l’Europe (19,8 points d’indice) demeure la zone où les médias sont les plus libres, suivie (de loin) par l’Afrique (36,9), qui, fait inédit, passe devant les Amériques (37,1), l’Amérique latine étant plombée par les violences accrues contre les journalistes. Suivent l’Asie (43,8) et l’Europe de l’Est et l’Asie Centrale (48,4). L’Afrique du Nord/Moyen-Orient (50,8) reste la région du monde où les journalistes sont les plus soumis à des contraintes de toutes sortes. A noter que plus l’indice monte, pire est la situation. Trois pays d’Europe du nord occupent le haut du Classement des pays, la Finlande (1re, comme depuis 2010), les Pays-Bas (2e, +2), la Norvège (3e, – 1). Au chapitre des évolutions notables, l’amélioration de la situation en Tunisie (96e, + 30), grâce à une baisse des agressions et des procédures et en Ukraine (107, + 22), due à une accalmie du conflit et à des réformes encourageantes.
Dégringolade. En sens inverse, on observe la dégringolade de la Pologne (47e, – 29), sous l’effet de la remise au pas des médias lancée par le parti ultra conservateur. Pour ce qui est de Madagascar, le pays se trouve 56e au classement mondial de la liberté de presse pour cette année 2016. Avec le forcing réalisé par le régime lors de l’adoption du nouveau Code de la Communication liberticide, le pays risque de dégringoler dans le classement de l’année 2017. Beaucoup plus bas, le Tadjikistan, qui subit la dérive autoritaire du régime, dévisse (150e, – 34). Même dégradation spectaculaire du Sultanat de Brunei (155e, -34), imputable à l’instauration progressive de la charia et de l’épée de Damoclès d’éventuelles accusations pour blasphème. Enfin, le Burundi s’enfonce (156e, -11), car ce pays a été le théâtre de violences envers les journalistes après la candidature contestée puis la réélection du président Pierre Nkurunziza. Au bas du Classement, un trio infernal, le Turkménistan (178e), la Corée du Nord (179e) et l’Erythrée (180e).