C’était le 2 avril 2005, quelques jours après la clôture du 2e Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs qu’il parrainait à Paris, que le révéré Jacques Rabemananjara s’en est allé debout, droit et lucide ! Toutes les nombreuses âmes de bonne volonté qui, lors d’oraisons funèbres, l’ont portraituré comme un vieillard voûté de 92 ans, ne l’ont en fait guère plus revu, car l’homme – dont le très fort caractère n’est plus à démontrer,- avait pris le parti de se couper totalement du monde pour veiller personnellement sur sa moitié Marcelle Rabemananjara née Raffin, atteinte par la maladie d’Alzheimer. Jacques Rabemananjara que j’appelais, et qui s’appelait lui-même, mon Grand-père malgache, avait compris l’intérêt majeur d’arrimer sur le plan intellectuel, artistique et politique, l’île rouge à l’immense continent africain en francophonie afin d’aller négocier en force avec le reste du monde ! C’est ainsi que lors du Premier congrès des intellectuels et artistes Noirs organisé à Paris, en Sorbonne (dans le temple du savoir), en 1956, par le Sénégalais Alioune Diop des éditions Présence africaine, Jacques Rabemananjara fait une brillante communication inaugurale intitulée : « L’Europe et Nous ». C’est ainsi qu’en 2004 dans le message inaugural aux « Nouveaux chevaliers du monde noir » du Premier Printemps des Poètes des Afriques et d’ Ailleurs, il exprime cette même idée : « se connaître entre eux [les poètes des Afriques de la néo-négritude] et se faire connaître par ceux qui pratiquent la langue dont ils sont fiers de porter la bannière ! » Ainsi est l’héritage de l’homme aux syllabes de flammes qui arborait sur sa dernière carte de visite : Ancien Vice-président du gouvernement, Ancien ministre d’Etat aux Affaires étrangères et Grand prix de la Francophonie de l’Académie française.
Thierry Sinda
