« Parait-il que la femme brûlée vive à Mananjary appartenait à un mouvement sectaire et que c’est son pasteur qui lui a recommandé d’agir de la sorte dans le lieu sacré ». C’est ce qu’on peut lire sur les réseaux sociaux notamment Facebook.
Elle, c’est Rakemba. Agée de 69 ans, elle est connue de Mananjary comme étant un docteur. Appartenant à une association cultuelle, elle a débarqué dans un lieu sacré – agissant sous les recommandations de son pasteur – en y amenant de la viande de porc qui y est strictement prohibée. Les natifs, très jaloux de leurs traditions ainsi que de leurs us et coutumes n’ont pas hésité à passer à tabac Rakemba jusqu’à l’occire. Entre-temps, des négociations ont eu lieu entre la gendarmerie de la localité et quelques-uns d’entre eux mais la colère a grandement pris le dessus. Les habitants qui étaient supérieurs en nombre ont brûlé vive la femme accusée d’avoir violé le lieu sacré.
Grand dilemme. La laïcité de l’État ainsi que la liberté de conscience et de religion sont garanties par la Constitution malgache avec comme seules limites le respect des libertés et droits d’autrui, l’impératif de sauvegarde de l’ordre public, de la dignité nationale et de la sécurité de l’État. Ainsi disposent les articles 2 et 10 de la loi fondamentale. En plus, une loi a un caractère général, impératif et impersonnel. Que faut-il tirer, de ce fait, de la mésaventure à Mananjary ? Dérive sectaire comme vindicte populaire, il y a eu atteinte à la moralité publique. Quid des mesures (impératives) à prendre ? De surcroît, aucun des gens qui ont assisté à la scène n’a empêché les coups et blessures volontaires infligés à la femme jusqu’à sa mise à mort alors que la non-assistance à personne en danger constitue également une infraction pénale à Madagascar réprimée par le Code Pénal malgache. Priver les individus de leurs traditions relève de l’autorité de personne ni de la puissance publique. Justement, outre Mananjary, beaucoup de régions, de localités recèlent plusieurs « fady » que la loi ne pourrait en « déroger ». C’est un cas qui laisse perplexes les juristes étant donné que la difficulté à cadrer juridiquement et institutionnellement les traditions n’est pas une mince affaire.
Droits humains. Faut-il rappeler qu’en 2008, le régime de l’époque a fermé, à titre de mesure administrative, une association cultuelle accusée d’avoir porté atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs ? Ultérieurement, le régime transitoire a permis à cette association de rouvrir ses portes. Actuellement, et ce après cette affaire Mananjary, l’État – en la personne du chef de l’État ou du chef de l’administration, ou encore des ministres concernés par ces atrocités – demeure inerte jusqu’à présent. Et pourtant, c’est un problème de grande ampleur car concerne les droits humains et l’État de droit. En tout cas, plus de droit à la défense, plus de procès équitable, plus aucune considération des droits car, force est de reconnaitre que la vindicte populaire serait devenue le modus operandi prisé des Malgaches à la place de la Justice envers laquelle une confiance maigre est accordée. Mais quoi qu’il en soit, ce cas illustre bel et bien l’incidence des us et coutumes d’une localité sur les questions juridiques.
Aina Bovel



