« Oui mon commandant » est le second volume des mémoires de l’auteur et le livre fait suite à « Amkoullel, l’Enfant Peul ».
C’est la formidable énergie de ce récit qui frappe le plus : Par-delà son caractère autobiographique, c’est un tableau fascinant et vivant de l’Afrique coloniale de cette époque qu’il offre.
On se délecte des anecdotes rapportées avec une verve et un humour inimitables, on savoure l’extraordinaire galerie de portraits de chefs coloniaux aux surnoms évocateurs. Au fil du récit se dessine une évolution spirituelle qui trouve son accomplissement à la fin de l’ouvrage, en 1933, lorsque l’auteur, de retour au Mali, reçoit de son maître spirituel Tierno Bokar, les enseignements d’amour et de tolérance qui, dit-il, vont féconder le reste de sa vie.
Dans le premier volume, l’auteur relate ses souvenirs d’enfance à travers les faits historiques et sociaux et les traditions orales, tels que ses ancêtres lui ont transmis. On a donc l’histoire de l’empire Peul du Macina, au Mali, que l’auteur reproduit à travers le récit du conquérant Elhadj Omar, héritier du grand Empire du Macina. La grande saga des «Peuls de l’empire peul du Macina aux toucouleurs de l’armée d’Elhadj Omar, le conquérant et chef religieux venu de l’ouest». Fils d’une lignée aristocratique, il est scolarisé tout d’abord dans une école coranique, puis envoyé à l’école des colons pour apprendre le français. Le récit montre les conflits de loyauté entre l’univers familial de la tradition orale et l’éducation musulmane, puis avec l’école des missionnaires où il apprend « la langue des chefs ».
Dans le second volume, plus dans le fil du présent article, Amkoullel l’enfant peul, est maintenant âgé de vingt-deux ans. Il commence sa carrière de jeune fonctionnaire de l’administration coloniale en Haute-Volta et pour cela, voyage à travers tout le pays. Voyage qui occupe une place prépondérante dans l’organisation du roman. Il fait émerger un portrait de quelqu’un qui tire d’innombrables enseignements d’expériences diverses et d’une représentation historique, sociologique et politique dans la mesure où il décrit aussi le système colonial. Il s’agit plus qu’un périple, une sorte de voyage initiatique à travers le pays et son administration. A chaque étape, l’auteur brosse le portrait d’un personnage dont la rencontre permet une découverte ou est l’occasion d’un progrès intérieur. Il peut s’agir d’un griot qui raconte l’histoire de sa ville, comme à Ségou, ou à Markadougouba. A Ouahigouya, le griot explique en détails l’organisation sociale et politique de l’Empire du Yatenga. A Tiw, un « dimadjo » (un « captif de case ») raconte la triste histoire du prince Lolo, le fils d’un grand chef peul défunt. Le voyage devient source de savoir en même temps qu’il est parcours initiatique pour le jeune fonctionnaire. Au-delà des mémoires de Amadou Hampâté Bâ, de sa volonté de faire parvenir son parcours, et à travers la description des rites et traditions qui accompagnent la vie rurale, ainsi que les dépravations induites par l’administration coloniale, on sent une volonté d’inventer une nouvelle façon de raconter. C’est une sorte d’alternative au récit autobiographique et à la tradition orale des griots. Sur la colonisation, il reconnaît l’éclatement de la société traditionnelle. Il n’y a pas de jugement politique dans cette pensée, pourtant tout est advenu suite à la colonisation. Par ailleurs, tout respect semble évanoui.
Zo Toniaina