La lutte contre la corruption à Madagascar, soit on s’y met, soit on cesse de faire semblant ! En effet, cela fait 15 ans que nous avons mis en place le Bianco (Bureau Indépendant Anticorruption) et les textes législatifs et réglementaires y afférents. Mais, force est de poser la question selon laquelle où en est Madagascar avec ce combat herculéen. De surcroît, le pays voit toujours rouge en la matière.
En marge du 32ème Sommet de l’Union Africaine, qui s’est tenu les 10 et 11 Février derniers à Addis-Abeba, en Éthiopie et dont le thème principal a trait aux réfugiés, la lutte contre la corruption a également été au centre des débats et discutée durant le forum des journalistes Africains qui se tient hier et aujourd’hui à l’Eliana Hotel, Addis-Abeba.
Grande perte. A cette occasion, Ikubaje John Gbodi du département en charge des questions politiques au sein de la Commission de l’Union Africaine a révélé que selon une étude menée par l’Union Africaine en 2002, la corruption cause une énorme perte de 150 milliards USD pour un pays. Soit une somme exorbitante qui avoisinerait les aides budgétaires. Nous sommes actuellement en 2019, et nous ne nous étonnons point si Madagascar se trouve toujours parmi les pays les plus pauvres, avec une économie essoufflée et qui torpille. Sur ce point, il est loisible de rappeler que l’indice de perception de la corruption pour l’année 2018 (IPC 2018), publié par Transparency International Initiative Madagascar (TI-IM), classe Madagascar au 152ème rang sur les 180 pays évalués, avec un score de 25/100.
Retard. Dimanche dernier, nous avons eu l’occasion d’interviewer le Directeur Général du Bianco, Jean Louis Andriamifidy, sur l’avancée de ce combat, à Addis-Abeba. Il a confié que l’effectivité de la lutte contre la corruption est bloquée par l’absence du décret d’application de la nouvelle loi sur la corruption, en l’occurrence la loi 2016-020, ainsi que la non-adoption par les parlementaires de la loi relative au recouvrement des avoirs illicites. Et ce n’est pas tout. La stratégie nationale de lutte contre la corruption, adoptée en 2015, prévoit, d’une part, la restructuration du Bianco et la mise en place d’une agence de recouvrement des avoirs illicites. Mais une fois de plus, « l’absence de résultats concrets est due au retard au niveau de l’adoption de ces textes », souligne Jean Louis Andriamifidy.
Phase de rupture. Une situation qui pousse à croire que les autorités ne font pas assez (euphémiquement) de preuve de volonté pour mener à bien la lutte contre la corruption. « Cela exige beaucoup de volonté politique et nécessite l’indépendance des magistrats au sein des Pôles Anticorruption », affirme le DG du Bianco ; autrement, ce sera toujours les petits poissons qui sont attrapés et sanctionnés, et les véritables corrompus jouissent de leur liberté et tirent profit de l’impunité. N’oublions pas que l’objectif pour 2025 est d’enregistrer le score de 50/100 sur l’IPC et que pour la période 2020-2025, Madagascar entend procéder à la « phase de rupture », c’est-à-dire « accélérer la lutte et améliorer le fonctionnement des organes qui auront été mis en place pour arriver à cette même fin », informe le DG du Bianco. C’est un objectif qui exige beaucoup d’actions que de paroles. Notons que la lutte contre la corruption avec tolérance zéro figure au troisième point de la Politique Générale de l’Etat. Mais dans tous les cas, elle commence par soi-même. A suivre.
AinaBovel (Addis-Abeba, Ethiopie)