J’ai franchi les portes du futur « Midi Madagasikara » un jour de juillet 1983. Embauché au départ après concours comme journaliste économique, j’étais loin d’imaginer que le journal qui commencerait à être publié un mois plus tard serait une aventure humaine aussi intense et passionnante. En 2016, il est toujours là, et les vents contraires ne l’ont pas affaibli. Dans le contexte de la fondation du journal, la deuxième République faisait subir à la profession les affres de la censure. C’était ainsi un journal « revu et corrigé » par le Ministère de l’Intérieur qui arriverait entre vos mains, chers lecteurs, le lendemain matin. C’était l’époque des pénuries et la Banque Mondiale, dans un bureau de quelques mètres carrés, craignait pour la sécurité de ses locaux.
Ma dernière
La libéralisation des années 1990 nous a exposés pour la première fois à une rude concurrence, mais les investissements entrepris par les fondateurs en faveur de la qualité ont payé: Midi Madagasikara est resté premier dans le cœur de ses lecteurs au-delà des ans. La vie politique tumultueuse de notre île non plus n’a pas eu raison du journal, malgré les menaces et les pressions fréquentes. La ligne du journal, basée sur le pluralisme des idées, a su s’adresser à chaque citoyen.
L’éthique commande que cette «Vision» soit ma dernière.
Je souhaite, en ne m’impliquant plus dans la profession de journaliste, rendre un hommage particulier à tous ceux qui ont choisi d’embrasser ce métier difficile. Certains prennent des risques, parfois au péril de leur vie, pour nous faire connaître des situations difficiles. D’autres nous éclairent par leur décryptage d’une actualité, tous les jours plus complexe, en particulier à Madagascar. Le travail d’informer est essentiel à l’édification de notre jeune démocratie. Celui d’être informé, notamment en lisant la presse, l’est tout autant, en contribuant à notre construction citoyenne.
En quittant le journal, je veux dire à chaque lecteur ma conviction que votre rendez-vous quotidien avec Midi Madagasikara est une expérience dont la qualité ne devrait pas cesser de s’améliorer. La formidable implication des équipes, sur le terrain, à la rédaction, à la publicité, à la PAO, au montage, à l’impression, à la diffusion ou à la direction me rendent certain que le journal continuera de grandir.
Merci à tous ceux qui ne passent pas une journée sans lire la une de Midi Madagasikara exposée sur les murs de nos rues ou aux mains des crieurs. Merci à tous ceux qui, avec fidélité, rage, exaspération ou bonheur, scrutent et commentent les éditoriaux, les articles et les encarts. Merci à tous ceux qui ont partagé avec moi cette aventure de trente-trois ans.
Zo Rakotoseheno
