
Concerter dans l’optique de reconstruire la Nation est une coutume depuis la fin des années 1950. Pendant ces six décennies, plus de 10 grands rassemblements ont été timidement opérés. Jusqu’ici, pas de résultats concrets.
La concertation nationale, qui s’est tenue la semaine dernière à Antananarivo, semble être incomprise des habitants des régions. Les résolutions semblent farfelues. À propos de l’invitation du président déchu, c’est la confusion totale. « Nous sommes complètement perdus », dit un père éducateur en lisant les journaux qui tantôt affirment, tantôt battent à Niort la participation d’Andry Nirina Rajoelina.

Sur le même schéma
Les endroits somptueux inspirent les autorités et les invités à prononcer de beaux discours. Les paroles ne rejoignent toutefois pas l’acte. Bien entendu, des assemblées régionales vont également être organisées. D’habitude, les requêtes des gardiens coutumiers, des notables, des autorités, la société civile, les olo-be, les cadres, les associations des jeunes ne sont pas prises en compte, au profit des idées prédéfinies. « L’aspiration des habitants des régions, des districts change. Est-ce la faute des représentants chargés de transmettre le message ? Antananarivo ignore-t-elle ouvertement la réalité locale ? », s’interroge le politiste Hassan Andriandova. En vérité, les concitoyens des provinces ne demeurent pas indifférents. Il semble que l’histoire est en train de se reproduire. Aucun Malgache ne peut nier que dès son jeune âge, il n’a jamais entendu les expressions telles que conférence, concertation, assemblée, rassemblement, réflexion, réconciliation, table ronde… Certes, la volonté est là. En revanche, ces mots charmants ont-ils transformé le pays ? Si ce sont là les éléments du cocktail. La gorge asséchée par les paroles éloquentes mérite d’être mouillée et graissée par une pitance délicieuse.

À base du fihavanana malagasy et de la chrétienté
Ce concept typique du pays, exclut d’une manière irrévocable les cartes sur table. La vérité est trop dure à avaler. Alors, pour exprimer sa pensée le Malgache utilise une interprétation figurée. Indépendamment de son sens littéral, cela permet de dire ce que tout le monde veut entendre, cette faculté est considérée comme un talent. Il est hors de question de crever l’abcès, cela pourrait aggraver la situation. Pourtant, hisavorivorian-kilatona, secouer la branche pour faire tomber les fruits pourris, est bel et bien un proverbe malgache. Mais caresser dans le sens des poils endort la bête féroce présente constamment dans l’esprit de chacun. « Au lieu d’énumérer les vrais problèmes dans ce pays, nous nous contentons de réciter les versets bibliques », a remarqué Timmy Tsavahana, un juriste de formation. Il faut admettre que la religion sert à baliser la société pour qu’elle ne tombe pas dans la débauche totale. Néanmoins, la foi sans action n’est que vanité ! « Aide toi et le ciel t’aidera » n’est-il pas mentionné dans les Saintes Écritures ?

Sans conteste, les concertations régionales ou nationales sont budgétivores. Une raison pour laquelle l’État sollicite vivement les soutiens des organismes, des institutions internationales. Les linges sales se lavent en famille, les voisins se flattent de les repasser. Et ces sacrés voisins laissent délibérément de larges plis. Cette pliure montre sous un autre angle la domination étrangère, voire l’ingérence. « Nous ne pouvons pas délibérément couper les ponts. Ce serait un désastre. Nous sommes encore fragiles », s’explique un vieux politicien. « Cela se fait d’une façon progressive », a soutenu un autre. « Jusqu’à quand Madagascar se mettra à la disposition des étrangers ? », s’inquiète un notable d’Antsohihy. Les idées divergent alors que les compatriotes ont pris connaissance de l’échange téléphonique entre Paris et Antananarivo il y a deux semaines.

Les oubliés malgré eux
Par ailleurs, les régions qui se sont manifestées avec courage, en l’occurrence le nord, sont dépourvus de courage. Selon les manifestants de cette contrée, « le gouvernement mis en place a dérapé en prenant un chemin opposé de ce qui était convenu ». Malgré le sang de leurs proches blessés ou tombés sous les balles, la sueur versée, l’estomac vide, ils ont continué à lutter. Une fois que le nuage noir est passé, on leur tourne le dos. « Beaucoup d’élites politiques ne comprennent pas pourquoi les provinces réclament l’autonomie. En fait, la cause est profonde. D’une part, nous avons maintes fois accompagné la capitale afin qu’elle puisse jouir de sa liberté. Nous nous sommes battus à ses côtés. En outre, nous sommes des boucliers. Maintenant, nous sommes les oubliés », réagit Hérault Beavontsara, un analyste politique. Oui, ce constat sort aussi bien de la bouche des marchands, des conducteurs de tuk-tuk que des les lèvres des personnels d’offices publics. Par conséquent, la « dysphorie collective » commence à se ressentir dans les rues et ruelles.
En somme, les régions se sentent de nouveau marginalisées. Tout est dicté depuis la capitale. Leurs cultures, leurs valeurs, leur conviction ne sont pas prises en considération, tandis qu’ils constituent la base importante de la construction d’une nation forte et fière. Actuellement, le pays assiste à ce qu’on appelle le « malaise social ». Toutefois, l’espoir fait vivre. La patience n’a tout de même pas quitté les populations des grandes villes. Au fond d’elles, l’initiative des dirigeants, pourquoi pas les bienfaits divins viendront peut-être. Miandry fa Gasy, les Malgaches sont habitués à attendre tranquillement ce qui tarde à venir.
Iss Heridiny



