
La Suisse livre son point de vue sur Madagascar. Dans son « Rapport économique 2025 », la Confédération Suisse dresse un tableau nuancé d’une économie malgache qui avance, mais trop lentement pour absorber la pression démographique et l’inflation.
Après 4,6 % en 2023, la croissance a ralenti à 4,2% en 2024 et le FMI ne prévoit que 3,9 % en 2025, et ce, sans tenir compte des changements institutionnels actuels. L’inflation, elle, remonterait à 8,4% cette année, renforçant l’érosion d’un pouvoir d’achat déjà contraint. Avec un PIB par habitant de 456 USD en 2024, la Grande île demeure parmi les pays les plus pauvres. Le diagnostic de la Confédération Suisse pointe des freins structurels : gouvernance déficiente, corruption, vulnérabilité climatique et crise persistante des services d’eau et d’électricité qui découragent l’investissement privé. La détérioration du commerce extérieur enfonce le clou. En 2024, les exportations de biens ont chuté de 17,2% sous l’effet du repli du nickel, de la vanille, du girofle et du cobalt. Et la tendance s’est prolongée : au premier semestre 2025, les exportations ont reculé de 10,8% tandis que les importations ont augmenté de 11%, creusant un déficit de 1 278,1 millions USD (–5,5% du PIB). Cette dépendance aux importations pèse sur l’ariary, qui s’est déprécié face à l’euro en 2025 après une relative stabilité en 2024.
Énergie
Au cœur des fragilités, la Jirama reste l’angle mort de la compétitivité. Les délestages quasi quotidiens nuisent à l’activité, et l’entreprise publique a été transformée en 2025 en société anonyme à participation étatique, sous supervision d’un comité d’experts. Le gouvernement annonce la modernisation du réseau de la capitale, une centrale thermique de 150 MW et un virage vers les renouvelables. Mais l’accès à l’électricité plafonne à 36% de la population, loin de l’objectif de 70% d’ici 2028, compromis par l’endettement et la gestion. La réussite du plan de redressement conditionnera la reprise. Côté recettes, la filière vanille, jadis star, traverse un cycle bas. Après des sommets à 600 USD/kg en 2019, les prix ont décroché autour de 50 USD/kg en 2024 ; les recettes d’exportation ont plongé de 45 % au premier trimestre 2025, sur fond d’offre mondiale excédentaire et d’incertitudes réglementaires. À l’inverse, le cacao profite de la crise d’offre mondiale : exportations en hausse de 140% en 2024, prix local stabilisé début 2025 autour de 30 000 Ar/kg, et intérêt accru des acheteurs internationaux pour un « cacao fin » traçable.
Coopération
Sur le plan macro-financier, les incertitudes persistent et les partenaires conditionneront certainement leur soutien. À noter qu’en juillet 2025, le FMI a validé les deuxièmes revues de la Facilité élargie de crédit (FEC) et de la Facilité pour la résilience et la durabilité, entraînant un décaissement d’environ 107 millions USD ; la poursuite du mécanisme d’ajustement automatique des carburants et le plan Jirama faisaient partie des conditions. Pour desserrer l’étau, la diplomatie économique s’active. La ratification de la ZLECAf (décembre 2024) est présentée comme un levier de diversification, même si les coûts logistiques d’un État insulaire restent élevés. La fin de l’AGOA, cruciale pour le textile (plus de 700 millions USD d’exportations vers les États-Unis), ajoute une incertitude majeure pour l’emploi industriel. Selon le rapport, l’attractivité souffre toujours d’un climat des affaires délicat avec une instabilité réglementaire, une faiblesse de l’État de droit et la perception élevée de la corruption. À noter que les IDE (investissements directs étrangers) entrants ont totalisé 413 millions USD en 2024, concentrés dans l’agriculture, l’industrie extractive, l’énergie, le tourisme et le numérique ; une performance honorable mais insuffisante au regard des besoins. Au final, le pays dispose d’atouts tangibles, mais la relance passera par une équation exigeante, nécessitant des services publics fiabilisés, des règles du jeu stables, et une intégration commerciale mieux exploitée. Sans ce triptyque, la croissance restera trop courte pour réduire la pauvreté à l’échelle attendue.
Antsa R.





