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vendredi, août 15, 2025
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Mamy Fredy Andriamalala : « Il faut redéfinir la coopération de l’Etat avec les bailleurs de fonds »

fredySelon Mamy Freddy Andriamalala, économiste et politologue, Professeur de Finances publiques et de Politique publique au Département Economie-Université d’Antananarivo. Interview.

 Midi-Madagascar (M-M) : Quel constat faites-vous sur la situation socio-économique à Madagascar ?

Mamy Freddy Andriamalala (MFA) : Il n’est pas besoin d’être économiste pour constater que les problèmes auxquels l’Etat malgache et ses partenaires externes s’attaquent sont énormes : faiblesse du système productif, déséquilibres macroéconomiques, détérioration de l’environnement favorable aux investissements directs étrangers (IDE), mauvaise gouvernance économique et institutionnelle, pauvreté extrême, etc. Ce sont des conséquences inéluctables de plusieurs années de stagnation économique et de crises politiques devenues cycliques.

M-M : Voulez-vous dire que rien ne va plus ?

MFA : Pas vraiment, quelques changements ont été pourtant enregistrés dans certains secteurs d’activités productives dont l’extraction minière et dans quelques domaines d’existence. Mais les effets induits par ces changements socio-économiques sont fragiles et ne touchent pas la majeure partie de la population.

M-M : Quelles devraient être les mesures prioritaires pour faire décoller l’économie?

MFA : Par rapport au contexte actuel et dans une perspective à court et à moyen termes, deux mesures prioritaires devraient être prises pour rattraper le retard de développement de Madagascar :

– les bailleurs de fonds devraient accroître l’Aide Publique au Développement (APD) qu’ils accordent à Madagascar en tant que parmi les pays les plus pauvres d’Afrique et diminuer les conditions exigées préalablement pour débloquer les fonds,

– le Gouvernement malgache devrait concrétiser les mesures de gouvernance inscrites dans le Plan national de Développement.

Ce sont des mesures permettant de favoriser l’afflux des IDE, d’une part et de motiver les opérateurs nationaux à allouer de manière optimale leur ressource dans des investissements productifs, d’autre part.

M-M : L’aide sert-elle à quoi précisément ?

MFA : Le budget prévisionnel de l’Etat pour 2016 est estimé à 5.321,8 milliards d’Ariary, si je ne me trompe pas, soit l’équivalent de 2,130 milliards de dollars US. Ce qui ne permet pas au gouvernement de financer la tranche annuelle du PND. Il est inimaginable que le gouvernement puisse financer avec son propre moyen le grand programme de développement, notamment les dépenses nécessaires pour financer les infrastructures économiques (route, barrage et canaux d’irrigation, réseaux d’électricité, etc.) et sociales (sécurité, hôpital, école, etc.), ainsi que les mesures de reforme sur la gouvernance.

M-M : Les ressources internes sont donc largement insuffisantes ?

MFA : A Madagascar, la structure du système fiscal reste toujours en déséquilibre. Les recettes fiscales dépendent des recettes douanières (51% des recettes fiscales totales). De plus, les données récentes montrent qu’environ 620 grandes entreprises paient près de 80% de recettes fiscales au niveau de la Direction générale des impôts (DGI). Seulement 300.000 petits contribuables paient effectivement de l’impôt sur 4.000.000 agents économiques qui devraient être assujettis. Nombreux sont ceux qui échappent au fisc, notamment les actifs exerçant des activités du secteur informel. Le taux de pression fiscale reste très bas et inélastique (10,5% du PIB). Cette situation est renforcée par des fraudes fiscales et douanières et des pratiques corruptives perpétrées par des agents publics.

M-M : Quelles sont vos recommandations ?

MFA : – Tout d’abord, les pays donateurs devraient changer certaines manières dont ils travaillent à Madagascar car ils suivent leurs propres directives et modes de financement, bien souvent sans prendre en considération des besoins prioritaires exprimés par le gouvernement et la population. De plus, les donateurs accordent l’aide avec des conditions souvent difficiles à réunir. Ce sont des exigences qui sont souvent devenues sources de pertes de temps et d’inefficacité.

-Il faut octroyer la majeure partie de l’aide sous forme de subvention plutôt que de prêts à condition de marché. Comme le fait l’Etat allemand qui vient d’accorder à l’Etat malgache une aide non remboursable de 45 millions d’Euros. Un grand merci. C’est une bonne pratique qui mérite d’être vulgarisée.

-Ils devraient nécessairement débloquer et augmenter plus rapidement l’aide qu’ils accordent surtout pendant la phase de décollage de l’économie malgache qui peut durer 5 ans, voire plus. En effet, 50% des ressources nécessaires devraient être financées par l’aide publique internationale (au lieu de moins de 30% avant 2008). Les 50% restant devraient être financés par les ressources internes, notamment les recettes fiscales provenant des activités de production et de consommation.

-Améliorer la performance fiscale en augmentant les nombres des agents économiques effectivement assujettis à l’impôt, en élargissant l’assiette fiscale et en améliorant la gouvernance des Finances publiques ( lutte contre les fraudes fiscales et la corruption ).

M-M : Quelles sont les mesures d’accompagnement possibles ?

MFA : L’augmentation de l’aide internationale devrait être rangée selon les priorités de développement et l’état de la gouvernance à Madagascar. Lorsque la gouvernance est jugée satisfaisante, l’aide internationale devrait être directement injectée en totalité dans le budget de l’Etat. Dans le cas contraire, l’aide devrait être canalisée dans des programmes ou projets cogérés directement avec les bailleurs de fonds.

Lorsque la croissance économique atteint un niveau assez élevé, on pourra demander une diminution progressive de l’aide versée par les bailleurs de fonds internationaux. Le besoin de financement du budget pourrait être ainsi assuré par des impôts additionnels générés par la croissance économique. L’Etat malgache pourra financer l’accroissement de son budget en recourant à d’autres sources de financement comme l’épargne nationale et les IDE en pratiquant une bonne gouvernance des Finances publiques.

M-M : L’endettement international est-il-pour vous source de pauvreté ?

MFA : Le contexte de la mondialisation actuelle érode la souveraineté nationale et diminue le rôle de l’Etat. C’est la Gouvernance mondiale qui dicte. Ce sont les acteurs de la mondialisation tels que les firmes multinationales, les dirigeants des pays développés, le FMI, la Banque mondiale, etc. qui nous gouvernent. Il faut savoir collaborer avec eux en tirant des bénéfices et des avantages et en s’intégrant dans l’économie mondiale de manière sélective. Il faut éviter par exemple le prêt à court terme avec un taux exorbitant car il va devenir un cycle infernal Pauvreté –Endettement.

Ainsi, le moment est venu pour repenser la coopération au développement entre Madagascar et ses partenaires extérieurs si on veut sérieusement réduire la pauvreté dans ce pays.

Recueilli par Antsa R.

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