(Chronique de Mickey) Qu’une cargaison de masques destinée à la France se fasse prendre par les Américains sur le tarmac d’un aéroport chinois aurait pu déjà sembler burlesque en temps normal ; mais cette fois-ci la tournure devient dramatique. Parce que la nature de l’objet de la substitution est primordiale pour la vie de milliers de personnes et rend le problème grave. Mais au-delà de la lutte contre cette pandémie de coronavirus, l’observateur ne peut que se demander comment deux grands pays industrialisés comme la France et les Etats-Unis ne peuvent pas, avec leur arsenal de production respectif, offrir des petits carrés de tissus à leurs ressortissants. La logique s’en trouve égarée. Leur technologie leur permet pourtant d’aller explorer l’univers, mais pas de produire en masse de simples masques – dont la complexité n’est pas insurmontable – qu’un petit atelier malgache peut fournir si c’est nécessaire.
Le bon sens ne peut qu’évoquer que quelque chose ne tourne pas rond. Hélas, ainsi va la mondialisation, ou plutôt les échanges internationaux. Aux « grands » de proposer des biens et des services à haute valeur ajoutée – en clair plus chers -, et aux « petits » avec leurs « petites mains » des petits « trucs » qui ne voient que dans les circonstances exceptionnelles actuelles leur « utilité », au sens économique, s’élever. C’est ce qui est tant décrié par les tiers-mondistes, en qualifiant cet échange d’inégal. Pourquoi ? Parce que la détérioration des termes de l’échange joue, en s’aggravant, au détriment de ce qu’on appelle la périphérie au profit du centre. On cite, comme illustration, le prix du kilo de vanille par rapport à celui d’un pneu ou maintenant d’une carte imprimée. S’il y a une dizaine d’années, un kilo de vanille s’échangeait contre un pneu, aujourd’hui, le rapport est de 1 pour 10. Jadis, en reprenant le cas du masque, nombre de régions françaises s’étaient spécialisées dans le textile, et aujourd’hui elles sont devenues des déserts en termes de « mailles ». Car naguère, elles ont été délocalisées, si bien que les tee-shirts, chemises et pulls se fabriquent aujourd’hui ailleurs par des ouvrières en « vintage ».
En plus, en utilisant encore le jargon économique, la leçon retenue de la mondialisation est la notion « d’avantages comparatifs », qui veut dire que, dans un contexte de libre-échange, si un pays se spécialise dans la production pour laquelle sa productivité est la plus forte par comparaison avec ses partenaires, il accroît sa richesse nationale. Des pans entiers de la production ont disparu du fait de cette « spécialisation » pourtant considérée comme condition sine qua non de l’intégration au commerce international, levier indispensable a-t-on professé pour se développer.
Des observateurs prédisent qu’un nouvel ordre mondial va apparaître si on vient à bout de ce COVID-19. La mondialisation va laisser la place, paraît-il, à la « démondialisation » où toutes les productions vont se relocaliser ou se recentrer sur la demande nationale. On veut bien y croire, mais peut-on mettre au placard des leçons longtemps apprises comme, par exemple, le chapitre intitulé « économie d’échelle » et tant d’autres… ?
M.Ranarivao