Les grands-parents étaient patients. Écrire une lettre, acheter une enveloppe, humecter le timbre n’était pas un supplice. Des mots doux, des orthographes soignées, des écritures sans rature, des poésies venant du cœur, remplissaient les feuilles. Actuellement, la nouvelle génération est souvent critiquée, Internet a complètement changé l’émotion. Les émojis ont remplacé les traces de rouge à lèvres sur le papier.
« Tout a changé, c’est évident, la technologie a fait de nous des impatients, peut-être? », se demande le sociologue Herinarivo Rabesafidy. Durant les années 1960 et 1990, les boîtes à lettres se remplissaient de messages roses. Les déclarations d’amour étaient écrites sur du papier bien orné. Le but, c’est de séduire les demoiselles. L’écriture figure dans le critère. L’admirateur gagnait un point s’il savait verser son encre avec finesse. Les mots aussi comptent, les rimes riches séduisent les nubiles de l’époque. « Je m’en souviens bien, j’écrivais comme un enfant de CP1, alors j’ai demandé à ma grande sœur de rédiger ma lettre. Elle l’a fait mais à une seule condition, que je fasse ses corvées. Ma sœur lisait beaucoup, elle savait s’y prendre pour faire fondre les jeunes filles en larmes de joie. En lisant la lettre, la jeune fille a accepté, après 3 ans de relation, je lui ai dit que le message du poème ne sortait pas de ma plume. On a rigolé ensemble», se souvient un monsieur de 73 ans.
Sévères étaient les parents des jeunes à cette période. Alors, les rendez-vous se faisaient en cachette. Les jeunes indiquaient à la fin du courrier le lieu, la date et l’heure précise de la première rencontre. Et si la demoiselle accepte, elle se rend à l’endroit indiqué, où le prétendant s’y présente avec une heure d’avance. Le garçon patiente avec le cœur tremblant au rythme du suspens. Souvent, la jeune femme se pointe, c’est le premier soulagement. Ensuite, la deuxième inquiétude, c’est si la réponse sera positive ou négative ? Un autre souci ! La patience des aïeux se voit lorsque les amoureux s’éloignent pour diverses raisons. Le jeune homme effectue un stage dans une autre région, par exemple, le couple s’exprime dans une correspondance. « L’enclavement, le manque d’infrastructure routière sont les principales causes du retard des courriers, mais je crois que nous avons eu de la patience. Nous avons compris ce qui se passe, mais voilà, la vie c’est ça. On ne peut rien y faire, on attend », raconte Jacqueline Bemihary, une femme de 62 ans. En réalité, la poste collecte et trie les missives pour les envoyer ensuite aux intéressés. « Cela dépend du nombre, si les lettres sont peu nombreuses, nous attendons qu’elles soient assez nombreuses, une camionnette les récupère aux bureaux pour les embarquer dans l’avion », explique un ancien personnel de la poste d’Antsiranana.
Actuellement, les temps ont évolué. La nouvelle génération n’a plus le temps de coller les timbres. Ici le but n’est pas de dire que la manière ancienne était meilleure que celle de nos jours. Mais ce qui interpelle de nombreuses personnes, c’est la transformation. La jeune génération n’a plus de patience. Le temps passe vite, la vie défile à une vitesse accélérée. Les réseaux sociaux sont des instruments efficaces. La technologie facilite tout. Les appels vidéo, les messages vocaux sont des atouts pour la jeunesse actuelle. « Ils ont de la chance ces petits, moi aussi j’ai de la chance d’avoir connu la technologie, c’était inimaginable en 1970. Je vous le dis. On voyait ce genre de gadgets dans les films de sciences fictions américains dans les années 1990. Je n’ai jamais imaginé que je toucherai et que j’aurai en ma possession un smartphone comme celui-ci. C’est ma fille qui me l’a offert », a affirmé Yolande Ratrefy, une dame de 85 ans. Les jeunes ne ressentent plus les inquiétudes et les soucis de leurs aïeux grâce à la technologie.
Iss Heridiny