L’alcool et le zébu, les malgaches traditionalistes connaissent l’importance de ces éléments indispensable lors des rituels. Mais rares sont ceux qui mentionnent la substance liquide, visqueuse et sucrée que les abeilles composent avec le suc qu’elles recueillent en butinant. Le miel a un caractère particulier chez les malgaches.
Lors des rites, le miel demeure un élément très important. Son goût agréable reflète la vie sans contraintes. À Madagascar, les rites de passage prennent une place prépondérante dans la tradition. De la naissance d’un enfant jusqu’à la visite des tombeaux familiaux en passant par la circoncision chez les garçons, le flacon de miel accompagne les mpijôro. En effet, la vie est amer. Les problèmes s’entassent, les esprits malsains circulent pour contrecarrer les programmes de l’être humain. Pour les chasser, la croyance malgache impose de manger du miel lors des cérémonies, ou d´en verser sur la tombe. « Le miel transforme ce qui est désagréable en quelque chose de bon. En fait, c’est psychique. Ça soulage l’esprit. Et quand on le mange, on a l’impression de surmonter la peur. L’angoisse fuit du corps. Les tracas s’en vont », avance un anthropologue. Ainsi, le miel est synonyme de ce qu’il y a de bien, de bon, d’agréable, de facile dans une chose.
La saveur douce austronésienne
Des chercheurs se mettent d’accord que cet aspect culturel est hérité des austronésiens. Ces ancêtres des malgaches n’ont pas seulement apporté leurs bagages, ils ont aussi importé des mœurs, des croyances : l’immatériel. La récolte du miel dans les ruches faisait partie de leur savoir-faire. L’arrivée des islamisés vers le Xème siècle a accentué davantage le plaisir gustatif des habitants de l’île verte. À part le rituel, le miel était l’une des matières les plus recherchées. Les malgaches se vantent de la qualité de leur miel, malgré la faible quantité produite.
C’est durant la colonisation que la production de miel prend une autre dimension. Les français proposent l’apiculture et forment les autochtones à produire plus. Depuis, le miel est perçu comme un produit de luxe. Selon les dires du jeune en économie de la colonisation Misa Israël Raharijaona, « les malgaches peuvent se vanter, car leur miel a une bonne qualité comparé à celui des pays du continent africain. Il a une bonne texture visqueuse et un bon goût sucré. En termes de quantité, les pays asiatiques devancent largement la Grande-ile. Il s’avère que les colonisateurs se sont focalisés sur d’autres produits de rente comme la vanille, le riz, le coton et la canne à sucre. D’ailleurs, Madagascar est riche en biodiversité, et a une étendue de terres cultivables. Donc l’apiculture était pratiquée d’une façon assez timide, si je peux le dire ainsi ! ». La culture des abeilles permet aux autochtones de se procurer une bonne qualité destinée aux rituels. Par conséquent, les flacons sont remplacés par des bouteilles de 25cl. Les traditionalistes versent plus de miel sur les doany. Les razana peuvent s’en régaler !
Substance curative
À part sa valeur sacrée, le miel est un remède. « Nos ancêtres n’avaient pas de scientifiques, des médecins comme nous. Ils avaient des guérisseurs qui prescrivaient souvent le miel comme médicament, parce qu’il est composé d´éléments nutritifs et est un anti-inflammatoire qui, en réduisant le volume de la partie enflée du corps, apaise le mal de gorge. Il était également utilisé pour sa richesse en protéine », atteste Docteur Eric Rabehajaina. Actuellement, les malgaches rencontrent de grandes difficultés économiques, le pouvoir d’achat est en baisse, le feu ronge les arbres, les ruches sont réduites en cendres, le tantely se fait rare. Suite logique, les mpijôro voit le contenant réduit.
Iss Heridiny