
Les conditions carcérales à Madagascar sont catastrophiques. Cependant, les détenus restent des êtres humains, alors que nombreux de leurs droits sont bafoués. Les femmes sont les premières victimes de cette situation et certaines n’ont pas d’autres choix que de se livrer à la prostitution pour leur survie. Une ancienne détenue raconte son vécu par le biais des organisations de la société civile.
L’ex-prisonnière a voulu garder l’anonymat et s’est jurée de trouver les organisations de société civiles afin de témoigner sur ce qui se passe réellement dans les pénitenciers malgaches. Manque d’hygiène, surpeuplement, carence en nourriture et en eau, mauvais traitement des détenus, prisons vétustes, manque de budget, corruption, voilà le constat tiré par les sociétés civiles sur le milieu carcéral de la Grande Ile. En effet, il est difficile de se déplacer dans les prisons, tant il y a du monde et les marmites ou les barbecues de fortune occupent tout l’espace de la cour. Parmi tout ce capharnaüm circulent des rats, des puces et d’autres parasites. Les détenus sont souvent maigres, faibles et malades. Les sociétés civiles dénoncent une pratique appelée phénomène « balôma » qui démontre les lacunes et les problèmes évoqués plus haut.
Phénomène « balôma ». Bien que les hommes et femmes soient placés dans des quartiers différents, ceux-ci se trouvent non loin l’un de l’autre. Dès lors, le passage d’un quartier à l’autre est devenu une chose aisée. Beaucoup de femmes emprisonnées vivent dans des conditions déplorables et possèdent peu de choses. Principalement, les femmes qui ne reçoivent pas de visites ou qui n’ont pas de proches. Celles-ci décident d’utiliser ce qui leur reste, c’est-à-dire leur corps pour survivre. Ainsi, les hommes qui désirent entretenir des rapports sexuels avec des femmes, font passer le mot aux vigiles. Ces derniers le font savoir aux détenues. Tout est bien huilé et organisé. Les prisonnières les plus nécessiteuses donnent leur consentement pour avoir des relations sexuelles avec des inconnus en échange de quelques milliers d’ariary. Certaines ne possèdent rien, elles sont donc obligées de louer des vêtements, du maquillage afin d’être présentable devant leurs « commanditaires ».
Le soir venu, la ou les détenues en question se rendent donc aux portes de leur quartier et prononcent le mot « balôma » aux matons. Le terme « balôma » se transforme et devient ainsi un mot de passe qui permet aux prisonnières de se faire escorter et amener là où on les attend. Manque d’espace, les relations ont lieu dans le couloir où la femme est obligée de se courber évoquant ainsi la forme d’un balôma, d’où cette appellation. Mais, c’est sur le retour dans leur quartier que les sociétés civiles élèvent la voix et grondent. Les prisonières sont systématiquement dépouillées d’une partie des pécunes qu’elles viennent de gagner : « Le fait que la femme se prostitue ne pose pas de problème, c’est son choix. Mais ce qui dérange ici, c’est que les gardiens demandent une partie de l’argent qu’elle vient de recevoir. Leur liberté de circulation n’est pas respectée. On a affaire à de la traite sexuelle dans le milieu carcéral. Et celle-ci est bien organisée. », rapporte un représentant d’une organisation civile.Les femmes concernées n’osent pas porter plainte sous peine d’être battues ou obligées de réaliser des tâches ingrates et humiliantes.
Stéphane Pierrard (Stagiaire)