Le 30 mai dernier, la communauté Antakarana, les dépositaires des traditions ainsi que l’ampanjaka Issa Tsimiaro III, ont publié un communiqué dans le but de défendre « la sacralité » des fleuves Mahavavy, Ifasy et Mananjeba.
« Nous proscrivons les cérémonies d’ondoiement au bord et dans les fleuves Mahavavy, Ifasy et Mananjeba, effectuées par les chrétiens… », déclarent les détenteurs de savoir ancestral. D’après l’ampanjaka, lors de son interview le jeudi 5 juin dernier, ces sites cultuels et culturels ont une importance capitale. « C’est la raison pour laquelle nous avons pris cette décision. En outre, les ancêtres ont parlé. Ils nous ont informés des méfaits de ces rituels qui vont à l’encontre de la tradition. Avant de publier ce communiqué, nous avons fait appel aux autorités étatiques locales. Malheureusement, aucune réaction… Par ailleurs, ces 10 dernières années, l’élevage porcin se développe alors que c’est formellement interdit. Le comble, les intendants autorisent les porchers à continuer leur activité qui outrepasse l’ordre établi par les aïeux. Donc, étant gardiens traditionnels, il est de notre devoir d’informer toute la population de la région. Ceci dit, toutes les pratiques religieuses sont tolérées, excepté dans ces lieux cités », a-t-il signalé.
Bien entendu, les chrétiens ont également leur opinion. Les pasteurs rassurent qu’ils n’ont pas l’intention de profaner ces sanctuaires antakarana. En réalité, ces bergers ecclésiastiques se réfèrent au fleuve de Jourdain. « Les croyants chrétiens respectent la tradition et ne souhaitent pas souiller ces terres sacrées. Ils veulent juste accomplir leur mission d’évangélisation », précise le pasteur Lefitra Tody… Ce différend culturel, quoiqu’il ne soit pas officiel, fait réagir l’opinion publique, notamment les profanes et surtout les érudits. Débat frivole pour certains, affirmation identitaire selon les uns, la guerre tiède entre les conservateurs et les fidèles de l’Église a toujours existé, à l’abri des regards indiscrets.
Du reste, les optimistes perçoivent la situation autrement. Willo Stelivio Tiandrainy, un apprenti historien de l’Université d’Antsiranana expose son avis ouvertement, « ces cours d’eau sont vénérés par les Antakarana. Les chrétiens y viennent pour se purifier. Alors, ils sont pertinemment persuadés de l’aspect divin du paysage ». L’argument saisissant de ce jeune homme aiguillonne l’esprit. Ces contrées seraient peut-être les points de raccordement entre les traditionalistes et leurs frères chrétiens !
Iss Heridiny