
En quatre chansons, impossible de résumer le talent immense de Baba de Madagascar, disparu des radars musicaux depuis quelque temps. En attendant son retour, voici un survol d’ensemble de ses œuvres.
Il est de ces artistes oubliés des oreilles. Cependant, le temps lui a toujours gardé une petite place. Baba de Madagascar est de la trempe des météorites dans le domaine de l’art. Il est ce que les cosmochimistes de la musique peinent encore à remplacer par un autre phénomène alliant avec justesse groove traditionnel et sons modernes malgaches. Une heure des chansons de ce phénomène scotche et laisse rêver, comme sur les routes sinueuses du moyen-ouest tirant jusqu’à Maintirano. Des paysages et leurs traces dans la mémoire sont indissociables de chacun de ses titres.
- « Mama » Une poésie baladeuse, cette chanson « Mama », du free soul folk, a propulsé le chanteur au-devant de la scène nationale. Ensuite, une percée fulgurante à Antananarivo a fini par élever Baba de Madagascar au rang d’artiste culte. Puisant ses mélodies dans un pop accentué par un solo permanent et enivrant, le chanteur raconte ce que la majorité des hommes pense de leurs mères. Avec un petit plus, « je suis l’homme de ma famille, je me dois de réussir », a-t-il révélé lors d’une conversation au Tahala Rarihasina, il y a quelques années. Alors, l’éloignement chanté avec sa voix unique devient un frémissement de l’âme. Ce que le solo enivrant rappelle.
- « Baoejy ». Chanson comprise dans son opus sorti en 2004, « Baoejy » est une prédication. Au-delà des frontières, Baba de Madagascar est l’ambassadeur attitré de ce style. Une conception élaborée dans l’arrangement ferait penser qu’il n’avait plus qu’à chanter. Une basse aux bribes de rumba funk, une construction avec un sens de jeu de la musique très intelligente. « Antsika handeha ibaligny e, hisôma balin-drazana », ce morceau est sans doute l’un des plus aboutis de son répertoire. Et la partie de chassé-croisé presque onirique entre un son de guitare et un piano. Le baoejy atteint les sphères cosmiques.
- « Gasy ». Une esthétique musicale tirée des années 80, « Gasy » reprend dans ses textes la litanie éternelle de la fraternité malgache. Bénissant ceux de l’est, de l’ouest, du nord, du sud et du centre, Baba de Madagascar démontre ici toute sa puissance vocale. Supplantant même une synthèse loin de l’exotisme, avec un mélange parfait entre le soul, le funk et un rock/pop débridé. Si les paroles sont moins affutées, la performance et la constance restent toujours intactes. Le chanteur a du génie et il le prouve. Une chanson digne de la cérémonie d’ouverture d’un grand évènement comme les Jeux des îles et de la Francophonie.
- « Vady vao ». Aussi plaisant et festif, ce sera difficile de trouver mieux dans le répertoire de Baba de Madagascar avec « Vady vao ». Il y chante tout ce dont une jeune demoiselle rêve : un homme qui veut sa main dans le respect de la tradition. Le marovany apporte l’esprit de cette chanson, l’artiste se lâche. Si ce n’est une guitare jouée à la manière de ce genre de cithare traditionnel. Comme s’il se trouvait dans son meilleur élément, du baoejy pur et dur. Vers la fin, le titre s’envole. Une débandade travaillée avec une ligne de basse à la malgache, digne des variétés des années 80.
Maminirina Rado