
En 2003, sortait « Fanantenana ». L’unique album, jusqu’à maintenant, de Da Hopp, considéré comme les pionniers du genre à Madagascar. Produit culturellement important, puisqu’il cumulait le long cheminement du rap national existant depuis la fin des années ’80 dans les grandes villes du pays. Il fallait une musique aux jeunes, des sonorités nouvelles, des messages qui leur représentaient, des tendances à affirmer…
2003 a été une année d’espoir politique, à peine sortie d’une crise majeure. Le titre de l’opus tombait à point nommé, « Fanantenana » se traduit ainsi par « espoir ». Le hip hop malgache, grâce à ce disque, se positionnait alors en voiture ouvreuse. Profitant alors d’une dynamique nouvelle. La reprise économique du pays a été fulgurante après des ponts dynamités, des barrages économiques, des affrontements armés… Le contexte voulait que « Fanantenana » ait réussi à se tailler une place dans le monde « adulte » de la musique.
L’album a décrispé la société tananarivienne sur ce genre venu des « States ». Plutôt caricatural au début, porté par des groupes comme Benny B, Vanilla Ice… d’un côté. Et Public Enemy, d’un autre. Un genre afro–américain, des descendants d’esclaves, rapidement légué au rang de passe–temps de jeunesse par la pensée dominante tananarivienne. Il y a encore quelques années, des rappeurs célèbres se plaignaient de recevoir des cachets dérisoires. En partageant pourtant la scène avec des vedettes de la variété, touchant deux fois plus.
Si aux Etats–Unis, le jazz, est considéré comme la première musique ayant revendiqué la liberté des noirs et la jouissance des mêmes droits que les blancs. Un genre également affilié aux voyous et aux mafieux. Le rap, son cousin, était la nouvelle voix des revendications d’une communauté « afro–descendant » classée de sous–hommes. Dès lors, « Fanantenana » avait ce poids historique à revisiter à la sauce malgache dans les veines. Des titres/hymnes comme « Kay le an’ah », « Oz’iz Mama »… L’album collait à la vision de la vie et aux galères de sa génération.
Da Hopp parlait pour sa communauté, celle de la génération active et montante qui voulait démontrer sa part de sagesse et responsabilité. Une voix qui savait se faire entendre musicalement, sur des instrumentaux tirés du terroir du sud malgache. Le disque avait une identité propre à elle. Une véritable prouesse, que le métal ou le reggae malgache ont mis des années à mériter. A côté de Da Hopp, se trouvaient des pointures comme Shao Boana, Takodah sy Ngah Be…
Une promotion du rap jamais inégalée depuis tout ce temps. Ces « gars » diffusaient du rap conscient et contestataire. Shao Boana, par exemple, revendiquait son africanité en utilisant les termes comme « Makoa ». Une révolution. Takodah sy Ngah Be ont été à la limite de l’outrage envers la pensée dominante. Des écorchés vifs. Ces gens faisaient du rap pour les Malgaches, combattaient avec des rimes le système. Loin de la dynamique actuelle avec un pays presque aussi pauvre que le Soudan. Malgré les inégalités sociales flagrantes. Les violences économiques ou plutôt de la torture économique.
Maminirina Rado