
A travers sa musique, Régis Gizavo (1959–2017) restera à jamais parmi les meilleurs musiciens/artistes de Madagascar, à l’égal des Rakoto Frah, Rakotozafy, Sylvestre Randafison… Retour sur quelques titres incontournables.
La Corse a été la dernière île foulée par les pieds de Régis Gizavo, décédé le 16 juillet 2017 dans ce département à l’histoire singulière de la France. Astre lumineux dans le firmament de la « world music », ambassadeur incontournable de la musique malgache à citer durant les siècles à venir, génie reconnu de l’accordéon… Avant tout, la musique de Régis Gizavo est une atmosphère. Des sonorités qui ne s’adressent pas aux « grands seigneurs » du goût musical, elles alignent pourtant les chefs-d’œuvre. De décennie en décennie, le valeureux accordéoniste lâchait des tubes laissés dans la mémoire de chaque génération. Quatre de ses titres seraient les incontournables du répertoire de Régis Gizavo qui, sûrement, resteront à jamais pour la postérité.
Relaza
Dans ce titre, Régis Gizavo s’est inspiré de sa propre histoire. Dans le dicton malgache « miteraha fito lahy, fito vavy », le nombre « fito » ou sept est synonyme de plénitude. Comme « Relaza », le musicien était le huitième enfant de la fratrie. Pourtant, le « huit » ou « valo », est souvent rapproché du « fahavalo ». Cette chanson parue dans l’album « Ilakake », le troisième, serait une manière de mettre les points sur les « i ». On l’entend dans la chanson d’ailleurs, « Je ne suis pas l’ennemi, mais je suis un homme de fraternité ». Selon la légende, Régis Gizavo vivait quelque peu le sort de « Relaza », un peu mis à l’écart, parfois rabroué, durant son enfance. Sortir ce titre a été donc un impératif pour exorciser ce passé dû à l’incongruité du hasard.
Mafy
Gagnant du prix « Découverte RFI » en 1990, Régis Gizavo a pu gagner la somme de 13 000 francs français à l’époque. Ce qu’il a fait c’est d’aller dans le magasin d’instruments de musique Paul Beuscher à Paris pour acheter son premier accordéon. Arrivé en France, le musicien n’avait pas d’accordéon, cependant son talent atteignait déjà le ciel. « Mafy » rappellerait son parcours du combattant en terre étrangère dont les traces laissées sont son humilité légendaire et sa grande ouverture d’esprit. Voilà sans doute le blues caractéristique du peuple malgache, ressenti dans ses musiques, ses sonorités, voire son sourire, retrouvé dans la musique de Régis Gizavo. L’interprétation de l’ensemble « Madagascar All Stars » de « Mafy » transcende ce titre.
Izay ombanao
Chanson aérienne, sensitive, « Izay ombanao » singularise l’âme voyageuse de Régis Gizavo. Comme il a aimé à le dire, la musique c’est avant tout une histoire de rencontres. Son parcours lui a fait d’ailleurs rencontrer des stars comme Manu Dibango, Richard Bona, Christophe Maé, etc. Chanson de fraternité, le génie y livre toute sa panoplie musicale. Ce jeu unique faisant haleter son instrument, sa constance musicale, sa puissance polyphonique… Régis Gizavo apporte avec « Izay ombanao » une de ces perles qui composent le patrimoine de la musique malgache. Incontestablement, il fait partie de ce qu’on appelle un « artiste national ». D’Antananarivo à Mahajanga, d’Antsiranana à Toamasina, les mélomanes s’inclinent devant le génie.
Malaso
Régis Gizavo met rarement en avant ses racines « vezo », groupe humain malgache et nomade des mers aussi ancien que les « vazimba », présent à Madagascar depuis des siècles, peut–être des millénaires. Durant son enfance, il allait souvent pêcher en mer, dans les mangroves. Cependant, Madagascar est aussi une civilisation de zébu, un animal symbolique attirant les convoitises, depuis l’indépendance du pays, des « malaso » en col blanc, rarement inquiétés, des « malaso » de terrain, grands bandits sanguinaires spécialisés dans les razzias de zébus. Rien de mieux qu’un homme de la mer pour parler des douleurs de la terre. Il chante ainsi, « Manahira aminay any Malaso ô », traduit par « chez nous, les malaso nous donnent du fil à retordre », une plaie toujours ouverte.

Petite biographie de Régis Gizavo
Né à Tuléar en 1959, Régis Gizavo faisait partie d’une grande famille. Père et mère, en tout, ils étaient treize à vivre dans la maison. Fils d’un instituteur, il a reçu une éducation à la langue qui l’a aidé dans ses périples de « citoyen du monde ». Le génie est arrivé en France vers la trentaine à peine révolue, a vécu dans des conditions d’adaptation parfois extrêmes à cause du choc des cultures. Rapidement, il a réussi à assimiler et à faire cohabiter en lui ces cultures plurielles au gré de ses rencontres. D’ailleurs, sa famille possédait déjà ce « métissage » dans les veines puisque c’est plus tard que Régis Gizavo a parlé de ses aïeuls indiens, des anciens marchands venus d’Inde. Son parcours musical est l’un des plus riches à Madagascar. Un monument et une fierté nationale.
Maminirina Rado