Le festival Donia de Nosy-Be est revenu aux affaires, cette année du 2 au 5 juin, avec un succès mitigé sur fond d’inflation. Quoi qu’il en soit, le « salegy » a été honoré. 27 ans déjà que cela dure.
Quatre noms sont toujours cités quand la genèse du festival Donia est soulevée. Parmi eux, Sanna Vincenzo, l’un des fondateurs, et deux ministres du temps de Didier Ratsiraka et de Zafy Albert. Tsilavina Ralaindimby alors ministre de la Culture et Herizo Razafimahaleo, celui du Tourisme.
En 1993, le président de la République de l’époque a tout de suite compris le potentiel d’un tel festival. Surtout dans une ville où le tourisme est à la fois colonne vertébrale, cœur et poumons. Ensuite, dans une ville où faire la fête et savoir accueillir les visiteurs est une seconde nature.
« Nous avons pu atteindre nos objectifs, celui entre autres d’apporter la joie et la musique à la population. C’est notre principal objectif, grâce à des aides octroyées par l’Etat », soutient Sanna Vincenzo, celui qui s’est juré que tant qu’il sera vivant, le festival Donia existera toujours.
Aides de l’Etat riment alors avec prix grand public du billet d’entrée. Présence de stars locales, des autres régions, de l’Océan Indien et du monde. Pendant quinze ans, le festival était en partie payé de la poche des promoteurs avec le soutien financier du pouvoir.
Envergure. Donia, c’est plus de 40 000 personnes par soirée. Plus d’une vingtaine de têtes d’affiche, venues de tous les horizons. « Plusieurs artistes sont nés grâce à Donia, Ninie, Wawa, Tence Mena, Fandrama, Dadi Love… AmbondronA était un abonné », se réjouit Sanna Vincenzo.
Cependant, l’Etat a toujours été là. « J’ai parlé avec tous les présidents successifs depuis Ratsiraka », reconnaît l’Italien. Pour l’édition 2022, son vocabulaire est devenu plus amer. Le constat est là. Donia vit ses pires heures.
Par deux fois, pour diverses causes, le festival a été annulé ou reporté depuis son existence. Crise sanitaire actuelle, il a fallu patienter trois ans pour que Confestin, le comité d’organisation, puisse enfin relever la tête. Tenir coûte que coûte le festival cette année.
Depuis 2019, les organisateurs ont été livrés à eux-mêmes. Plus de fonds d’aide. Donia sent le vent tourné. Tandis que la crise sanitaire finit de tout mettre à plat. Les avances des artistes ont déjà été payées.
Pour relever ce défi de 2022, il a donc fallu injecter au minimum plus de 120 000 euros. Les dépenses se sont affolées. « Quand la route était praticable, nous dépensions par exemple 1 000 ariary pour un artiste. Maintenant, nous dépensons 5 000 ariary », concède Amida, la présidente du comité d’organisation.
Le prix du billet d’avion ne sera jamais une option. Sauf pour Dadi Love, la tête d’affiche de la première nuit de concert du 2 août. Victime d’un pépin mécanique sur la route, il a dû prendre la voie des airs. C’est environ 1 000 000 d’ariary par personne. Et les artistes ne lésinent pas sur les moyens.
« C’est plus cher qu’un vol Paris – New York », clame Vincenzo. Sisca, la pile électrique, a emmené plus de 20 danseurs, musiciens et compagnie. Son cachet dépasse juste les 8 000 000 d’ariary. Statut de festival international oblige, il s’agit de marquer le coup face à la concurrence.
Avec six têtes d’affiche, les chiffres grimpent. Cette année, il y a eu Fandrama. Il clôture le festival en général. Il y a eu aussi Kakabe Dino, Ninie Donia, Dadi Love, Jazz Mmc et Sisca. L’évènement est bien sûr sponsorisé.
Baisse de régime. Point de vedettes internationales. L’ouverture « tardive » des frontières en est la cause. « Les calendriers des artistes sont déjà serrés. Pour un concert en juin 2022, ils auraient déjà dû le caler depuis septembre. Alors que les frontières ont seulement été ouvertes en avril », regrette un membre du comité.
À charge de revanche, Confestin promet une édition 2023 plus agressive sur le plan artistique et musical. Si la situation actuelle se maintient, il s’agira de faire un sacré numéro d’équilibriste entre un ticket d’entrée abordable et la présence d’artistes internationaux.
C’est loin d’être gagné d’avance. Remettre de nouveau à sa vitesse de croisière un tel évènement nécessite des moyens. Une somme allant jusqu’à 400 millions d’ariary serait nécessaire. Le tout sous le regard peu conciliant des autorités locales.
En apparence, cette édition 2022 a été boudée par les notables politiques et élus de la ville. Le bras de fer entre Confestin et les autorités locales, sous la bannière TGV concernant le stade d’Ambodivoanio où se tiennent les concerts, en est la raison première.
Ces dernières voulant remplacer l’actuelle infrastructure, bâtie et aménagée par le Confestin, par un stade aux normes, ou stade « manaram-penitra » dans le sillage des réalisations et des promesses d’Andry Rajoelina.
Tout Nosy-Be, appuyé par des artistes de la région et de la Capitale, s’y sont opposés de manière ferme. C’est dire l’attachement de la population locale à son festival. À partir de ce moment, rien ne va plus.
Politique malsaine. D’autant que l’un des présidents d’honneur de cette édition 2022 a été un personnage politique connu, ancien candidat à la présidence, plutôt enclin à critiquer le pouvoir. Son discours lors de la cérémonie d’ouverture aurait valu quelques coups de fil peu amicaux aux organisateurs.
« Donia permet de faire connaître Madagascar à travers le monde », souligne Ninie Donia. Elle a été l’une des nombreuses révélations du festival. Contrairement à presque toute l’économie de Nosy-Be, il n’est pas tributaire du tourisme.
Pour ainsi dire, c’est une fête vraiment malgache où il n’est pas étonnant d’apercevoir des dizaines de « blancs » dansant comme des forcenés au rythme du « salegy ». Les concerts peuvent durer jusqu’à 4 heures du matin.
De fête populaire, affectionnée par Ampy Augustin Portos à ses débuts. De festival international avec la venue de vedettes au-delà des mers et des frontières. Donia est poussé par certains à devenir un objet politique.
Le dernier jour de Donia 2022 a cependant été une belle promesse. Fandrama a cartonné, remplissant le stade. Vers 4h30 du matin, des milliers de spectateurs résistants grâce au « salegy » sont encore restés face à la scène.
Maminirina Rado