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mercredi, mars 12, 2025
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Pascale Tuseo Jeannot :  «Nous devons passer des discours aux actes. La communauté drépanocytaire de Madagascar ne peut plus attendre. »

A Madagascar, la lutte contre la drépanocytose, qui avait fait des avancées majeures, rencontre des difficultés et des défis à relever. L’association Lutte Contre la Drépanocytose à Madagascar (LCDM), qui est une figure de proue de la lutte, célèbre cette année, ce jour, 12 Mars 2025 ses vingt ans de combat. Pascale Tuseo Jeannot, présidente fondatrice de cette association nous a accordé une interview en retraçant l’année de lutte contre cette maladie qui continue de faire des victimes à Madagascar.

Midi Madagasikara : En vingt ans d’existence et de lutte, que pensez-vous de la situation actuelle de la drépanocytose à Madagascar ?

Pascale Tuseo Jeannot (PTJ) : Madagascar étant une île, avec des communautés endogames et des régions enclavées, de nombreux porteurs sains ignorent leur statut et ne découvrent la maladie qu’au moment du diagnostic douloureux chez leurs enfants. La situation de la drépanocytose à Madagascar est dramatique. Elle est d’autant plus douloureuse pour nos organisations et les acteurs engagés depuis 2022 dans l’élaboration du plan stratégique triennal, car nous avions enfin un programme national innovant et durable, intégrant des actions transversales entre ministères et une capitalisation des compétences. Ce cadre aurait permis de sécuriser les investissements et d’améliorer la coordination des initiatives, évitant ainsi les doublons.

Malheureusement, les traitements d’entretien et l’accès aux soins restent hors de portée pour des milliers de familles. Les vaccinations obligatoires et spécifiques aux drépanocytaires ne sont pas réalisées et sont souvent indisponibles à Madagascar. De plus, les avancées obtenues en matière de sensibilisation et de dépistage rapide, qui auraient dû devenir des pratiques de routine, sont aujourd’hui quasiment à l’arrêt. Depuis plus d’un an, les actions que nous menons reposent uniquement sur la générosité des membres, des bienfaiteurs de la diaspora malgache et d’autres donateurs. Cette situation est inacceptable du point de vue humain dans un contexte où on nous rappelle sans cesse que le capital humain doit être prioritaire, alors que nous disposons d’un véritable cadre pour agir efficacement.

M.M : Pouvez-vous développer le rôle joué par votre organisation ?

PTJ : Depuis sa création, le 12 mars 2005, LCDM a joué un rôle pionnier dans l’élaboration du programme et de la politique nationale de lutte contre la drépanocytose, à une époque où même l’Organisation Mondiale de la Santé ne la reconnaissait pas encore comme un problème de santé publique mondial. L’OMS reconnaît la drépanocytose comme problème de santé publique en mai 2006 grâce aux plaidoyers réalisés par l’Organisation Internationale de Lutte contre la drépanocytose avec la contribution des associations de malades et de familles.

Dès le départ, nous avons travaillé avec des experts en santé publique pour concevoir des programmes adaptés aux réalités de Madagascar, tout en nous inspirant des expériences internationales et en veillant à respecter les traditions et les modes de vie locaux. Notre plan stratégique triennal, avec un budget clair et des objectifs définis, renforcé et revu pendant la période COVID19 et en anticipation des années post-Covid (problèmes économiques et social prévisibles) prévoit les ressources humaines nécessaires, les salaires, les traitements, les vaccins, ainsi que la possibilité de produire des traitements à base d’hydroxyurée localement .. Ces démarches sont citées chaque année dans les plaidoyers annuels que nous réalisons autour de la journée mondiale de la drépanocytose, le 19 juin à l’attention du Ministre de la santé, de la première dame et du Président de la République de Madagascar.

M.M : Y-a-t-il d’autres impacts tangibles de vos actions dans le pays ?

PTJ : En 2013, grâce à ses plaidoyers, LCDM a mobilisé des financements pour l’achat du premier appareil de dépistage néonatal à l’HJRA, lançant ainsi les premiers dépistages précoces à Madagascar. Il existe pour cela, déjà des registres nationaux et des formations ont été réalisés par une sage-femme, Mme Julienne Raharisoa. Elle a été formée par les experts qui ont travaillé avec le Med Hem à Marseille sur les différents prélèvements : au talon, sur le cordon ombilical. Ces formations ont été répliquées dans plusieurs centres à Madagascar.

En 2019, en collaboration avec Silver Lake California, nous avons introduit les tests rapides, permettant un diagnostic en moins de 10 minutes. Cette initiative est une avancée majeure qui a réduit drastiquement les pertes de vue et les errances diagnostiques. Ces tests ne nécessitent pas l’utilisation d’énergies, sont faciles à réaliser. Ils sont certifiés par l’OMS et répondent parfaitement aux problèmes d’infrastructures, d’enclavements des populations et d’énergies à Madagascar. Ces initiatives auraient dû ouvrir la voie à un dépistage massif et national, mais il n’a toujours pas été mis en place.

M.M : Quid des défis inhérents à la lutte ?

PTJ : Malgré nos efforts, nous avons rencontré d’énormes difficultés pour faire financer notre plan stratégique. Bien que nos démarches aient été globalement positives, elles n’ont toujours pas abouti à des financements concrets. Ce manque de soutien a freiné une avancée qui aurait pu transformer la prise en charge et la prévention de la drépanocytose à Madagascar. Or, cette avancée ne concerne pas seulement les patients atteints de cette maladie : elle aurait des répercussions positives sur l’ensemble du système de santé et de la société.

En raison de sa complexité, la drépanocytose requiert une prise en charge pluridisciplinaire impliquant toutes les spécialités médicales, des laboratoires aux centres d’imagerie, en passant par des sins de pointe comme les greffes et les dialyses. Financer cette lutte, c’est donc renforcer tout un environnement sanitaire et social, au bénéfice de toute la population. Le retrait récent de plusieurs organismes de santé internationaux a encore fragilisé les programmes dédiés aux maladies chroniques et génétiques héréditaires.

M.M : Le mot de la fin ?

PTJ : Face à la réalité nationale et mondiale, nous demandons l’application immédiate et pérenne du programme national de lutte contre la drépanocytose, qui a déjà été rédigé et validé.

Aujourd’hui plus que jamais, nous devons passer des discours aux actes. Le programme est prêt, structuré et rédigé par des experts. Ce qui manque, c’est une volonté politique et un investissement durable. La communauté drépanocytaire de Madagascar ne peut plus attendre.

Propos recueillis par José Belalahy

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