Un domaine mal-exploité. C’est ainsi que l’on peut qualifier la situation actuelle de l’Orangea de Diégo-Suarez. Un domaine appartenant à l’Armée malagasy, mais qui est devenu une ruine. Désormais, il ne reste plus rien sur ce site touristique considéré auparavant comme « La place forte de l’Océan Indien » avec sa longue plage de sable blanc et son histoire. Depuis 2011, l’époque où le président de la Transition Andry Rajoelina a ordonné aux opérateurs économiques étrangers qui ont squatté l’Orangea de quitter les lieux, il ne reste plus que des ruines de maisons sur place. L’accès au site est devenu un business très lucratif pour les éléments de l’Armée qui assurent la garde à l’entrée. 10 000 Ar par personne. Tel est le tarif à l’entrée pour les ressortissants malgaches. Ce tarif est doublé pour les visiteurs étrangers. Pourtant, ce sont généralement les étrangers qui sont en vacances dans la Province d’Antsiranana qui viennent savourer la beauté de l’Orangea, appelé aussi « Le nez de sable ». D’après les informations, le site recevrait entre 10 à 15 visiteurs par jour. Il convient de noter toutefois que les recettes ne rentrent pas dans le budget de l’Armée. Certainement, les hauts responsables militaires ne sont même pas au courant de ce business. On sait pourtant que si ce site est exploité comme il se doit, il peut apporter beaucoup d’argent aussi bien à l’Armée qu’à l’Etat malgache.
Historique. En 1898, la France décide de créer à Diégo-Suarez un point d’appui pour la flotte de l’Océan Indien. Par arrêté du 13 mars 1900, la province est érigée en « Territoire Militaire », sous le commandement du Colonel Joffre. En cinq ans, la baie fut transformée en un immense camp retranché. A la veille de la Première Guerre mondiale, le camp, sur le front de mer, comprenait 7 batteries armées chacune de 4 canons. Sur le front de terre, il y avait : le fort d’Ankorika (2 canons) ; le fort du Mamelon vert (2 canons ; une batterie du champ de tir (4 canons). Le camp Orangea, au Sud de la passe, surplombant la renommée plage de Ramena, était aménagé avec des bâtiments typiques de l’architecture coloniale. Il était strictement interdit aux civils d’y pénétrer.
Après les évènements de mai 1972, l’administration du camp passe entièrement à l’armée malgache qui, au lieu de l’entretenir, la laisse à l’abandon des pillages systématiques. Surtout pour récupérer tous les métaux y existant. En 2005, les Français « zanatany » et les « Karana » (Indo-pakistanais) montent ce qu’y est appelé le « Business du fer » en direction de la Chine, avec la complicité d’officiers de l’Armée. Il ne restera presque rien des infrastructures des débuts. Or, officiellement, sous Tsiranana, Ratsiraka, et Zafy, le camp Orangea était une zone interdite.
Les installations militaires
La défense de la passe: L’étendue de la baie et l’étroitesse de la passe comprise entre la presqu’île d’Orangea et la petite île de Nosy Volana (îlot de la lune) ont été pour beaucoup dans l’intérêt des puissances coloniales pour Diégo-Suarez. Aussi, dès les débuts de l’installation française dans le territoire, l’Armée se mit en demeure de rendre la passe infranchissable à d’éventuels vaisseaux ennemis. Les travaux effectués dans l’urgence en 1892 par le naturaliste Kergovatz, furent rapidement jugés insuffisants, les batteries de canons étant de trop faible portée pour inquiéter d’éventuels agresseurs. En 1894 les défenses d’Orangea furent renforcées. Le colonel de marine Piel s’occupa de couvrir par des feux convergents la ligne que devaient suivre les navires. Des batteries plus modernes remplacèrent les anciennes pièces de la batterie d’Orangea. De nouveaux travaux confortèrent la position d’Orangea après la conquête de l’Ile en 1895.
Défense du front de mer. Il fallut pourtant attendre 1900 pour que, sous le commandement énergique de Joffre, Orangea soit équipé d’une série de batteries assurant une réelle défense du front de mer. Cependant, dès 1904, la Revue « Armée et Marine » déplorait la vétusté et l’insuffisance des batteries de côte censées défendre la passe: « aux canons de 194, modèle 1893, prévus pour la batterie de Vatomainty et la batterie est d’Orangea, on a substitué des canons modèle 75-76; aux canons de 240, du modèle le plus récent, qui devaient armer la batterie du Cap Miné, on a substitué des canons modèle 70-81 sur affûts de casemate. On a utilisé un matériel que la Guerre avait fait construire en grande quantité et que sa médiocrité a fait proscrire des batteries de côte de la métropole ». En fait, c’est en grande partie en raison de cette « vétusté » que Diégo-Suarez a pu garder ses canons: en effet, ils échappèrent ainsi au « rapatriement »des canons coloniaux au moment de la Grande Guerre!
Moyens de transmission. En dehors de la mise en place des batteries, Orangea fut doté de moyens de transmission. Un sémaphore qui permettait de signaler les navires entrant en rade fut installé. Par ailleurs, pour aider les navires à entrer dans la passe, on construisit, au Cap Miné un phare constitué d’une tourelle métallique de 6m de hauteur, reposant sur un socle en maçonnerie de 3m de haut. Son feu blanc s’éclairait toutes les 10 secondes.
Des squatters expulsés. Lors d’une visite inopinée à l’Orangea de Diégo Suarez le 6 avril 2011, Andry Rajoelina, qui était alors le président de la Transition, a découvert plusieurs constructions en dur, en bois et aux feuilles d’arbres. Suite à cette découverte, il a ordonné l’expulsion immédiate de tous les opérateurs français et indo-pakistanais qui ont occupé illicitement les lieux. En effet, d’après les informations, un Commandant de l’Armée qui était le responsable de la garde de l’Orangea aurait contracté avec ces opérateurs, un bail pour un montant de 400 000 Ariary par opérateur. Les Français et les Indo-pakistanais qui se sont introduits dans ce domaine militaire ont implanté des villas pour y faire un business dans le secteur touristique. Une enquête a été ouverte à l’époque. Les responsables de cette « grande braderie » de terrains militaires ont fait l’objet de poursuite judiciaire.