
Elle est de passage à Madagascar, Gtika se présentera sur la scène du Fatapera Antaninarenina demain à partir de 19 h 30. Un portait/interview s’est imposé naturellement.
Pouvez-vous nous parler de votre enfance musicale?
Je suis née à Antananarivo et j’ai grandi à Ampefiloha, dans une famille monoparentale, une maman sportive et indépendante et un frère mélomane et amoureux d’art. A l’âge de 11 ans, j’ai écrit mes premiers textes, que je relis encore aujourd’hui, naïfs mais qui reflétaient à l’époque mon profond besoin de comprendre le monde qui m’entoure. Donc avec beaucoup de questionnements. À l’époque, j’ai commencé à écouter du rap, j’ai profondément aimé. Mais j’ai compris très vite que je ne savais absolument pas « rapper », alors j’ai lâché l’affaire. J’ai chantonné des chansons qui plaisaient à tout le monde lors des fêtes familiales mais sans grande conviction.
Vous avez brûlé les étapes…
A 15 ans, j’ai été acceptée dans un projet reggae avec le groupe Tana Riddim. Un genre où j’ai fait mes débuts en chantant des refrains sur des riddims, puis sur des instrumentaux composés à l’époque par Feokira, un beatmaker. La vie à fait que j’ai dû partir poursuivre mes études en France, où j’ai pu rencontrer d’autres personnes avec qui j’ai pu monter d’autres projets hip-hop : We Malagasy, Dago s’y moov puis Menalamba. Après plusieurs années d’échecs à l’université, j’ai décidé de prendre mon courage à deux mains et j’ai passé le concours d’entrée au conservatoire d’Avignon. De là est réellement né mon amour pour la musique funk, soul puis très vite le jazz. Très tard mais, c’était un réel coup de foudre.
Vous vous mentionnez être « issue d’une famille monoparentale », était-ce important dans votre accomplissement artistique ?
Très important. On est ce genre d’enfant voué à l’échec et pourtant, le combat que ma mère a mené toutes ces années n’était pas vain. Faire de la musique aujourd’hui est loin d’être un échec comme bon nombre de personnes l’imaginent, c’est à la fois un travail, un engagement politique et social que je mène avec fierté et surtout un sens à ma vie.
Comment qualifierez-vous votre musique, pourquoi ce choix ? Et aussi vos textes ?
Je suis en quête de liberté en permanence et cette liberté, je la retrouve dans ma musique. J’ai réussi à pousser les murs, pour à la fois m’ouvrir à tous les univers et laisser le monde venir à moi. La musique que je fais aujourd’hui est une musique libre, qui s’improvise et qui s’engage avec des convictions. Mes textes, eux restent vagues ! Quand je regarde une feuille blanche, j’ai l’impression d’avoir tous les pouvoirs. Je dénonce, je pleure, j’ironise. Et ça m’arrive même de déclarer ma flamme… Mais ce, toujours en m’inspirant du monde qui nous entoure.
Avec qui avez-vous déjà travaillé et quels sont vos projets ?
J’ai eu la chance de travailler énormément avec des personnes qui aiment la musique. Cela m’a poussé à y croire. À 18 ans, j’ai eu à travailler avec Shyn et Deenyz, c’était une expérience que je n’oublierai jamais. Puis plus tard, avec Rain Dago, un ami qui est devenu comme un frère ! Entre-temps, j’ai rencontré Kim, mon duo de toujours, une chanteuse exceptionnelle, une véritable amie et alliée dans cette arène qu’est le monde de la musique. Et depuis que je suis au conservatoire, j’ai eu la chance de rencontrer les musiciens avec qui je travaille actuellement dans notre projet « Kukutwa » Joris Un guitariste de talent à la fois ami et pédagogue en termes de théorie de la musique. Florent un batteur qui groove comme un dieu, un ami proche également qui me sauve la vie quand j’ai des examens de rythme. Et Sébastien qui est à la fois un bassiste hors pair mais aussi un ami, amant, amoureux et un papa exceptionnel pour mon petit garçon. Hormis tous ces petits clins d’œil à ma petite famille, j’ai également eu la chance d’être la chanteuse principale du big band jazz du conservatoire avec Olivier Piot. Toute l’année je travaille avec les musiciens locaux pour des projets ponctuels : Blues on parade, Axxiom, Soundsista … Des projets, j’en ai plein la tête mais à terme j’aimerais monter ma petite structure, petite pépinière de chanteurs / chanteuses qui rêvent de liberté comme moi à travers leurs voix ! Et pourquoi pas chez nous ? Je rêve de rentrer au pays définitivement et combattre auprès de ceux qui continuent à croire qu’avec le développement de la culture on peut changer ce monde !
Recueillis par Maminirina Rado