Bien que Rajery soit un artiste de renom et internationalement connu, l’homme n’en reste pas moins quelqu’un de simple et de disponible. Le musicien aime les petits bonheurs de la vie de tous les jours. Sa carrière dure depuis plus de trente cinq années, mais le talentueux joueur de « valiha » a encore des ressources. Ses maîtres mots sont : rencontre, échange et partage.Un principe qu’il a toujours appliqué à la lettre et qui lui a permis de forger l’artiste qu’il est devenu.
Midi : Comment avez-vous commencé la musique ?
Rajery : C’est un long parcours que je vais essayer de résumer (rires). Je suis issu d’une famille paysanne à 45 km au Nord de Tana. Je suis le petit dernier d’une famille de neuf 9 enfants (2 filles et 7 garçons). Mes grands frères et sœurs jouaient déjà des instruments traditionnels qui ont bercé mon enfance. Mon frère jouait déjà de la « valiha » qu’il mettait toujours à l’abri dans la maison de mes parents. Et dès qu’il partait dans les champs, j’allais en jouer en cachette et j’en suis tombé amoureux. La sonorité cristalline de cet instrument m’a fait vibrer.
Midi : Y a-t-il quelque chose (une rencontre, un événement …) qui a déclenché votre carrière ?
Rajery : Oui, en 1980 j’ai décidé d’apprendre à jouer de la valiha en cachette à cause de mon handicap entre autre. Je ne voulais pas montrer aux gens que je pratique cet instrument et ne pas attirer la critique négative. J’ai appris pendant 3 ans. En 1983, je voulais aller en vacances et prendre un taxi-brousse pour aller à la campagne. Et au stationnement de taxis-brousse, une personne m’a interpellé. J’avais peur, je pensais qu’il voulait me voler. Donc je me suis mis à courir mais il me suivait et criait. Il m’a simplement dit : « Viens, j’ai un groupe et on a besoin d’un joueur de valiha ». Là, j’ai réfléchi et puis j’ai finalement accepté. J’ai donc joué avec ce groupe au lieu d’aller dans la brousse. C’est là que tout a commencé.
Midi : Malgré votre handicap (main droite amputée), n’était-ce pas difficile de jouer de la « valiha » ?
Rajery : Si, mais je suis autodidacte. Il n’y avait pas de cours ou de formation de « valiha ». Je ne pouvais faire donc que quatre choses : regarder, écouter, enregistrer et pratiquer. La pratique était difficile, ça me faisait mal de jouer, ça saignait. Mais je continuais et j’ai donc créé ma façon spécifique de joueur de la « valiha ».
Midi : Y-a-t-il un message, un but derrière vos chansons ?
Rajery : Oui, je n’aime pas qu’on dise que je suis un ambassadeur de Madagascar. C’est faux, je suis un missionnaire. J’ai une mission, c’est-à-dire faire connaître mon pays en premier, la musique traditionnelle malgache en deuxio et enfin moi-même l’artiste. Je suis porteur de messages, mais souvent les artistes oublient qu’ils sont aussi éducateurs dans la société. Mes textes parlent de la vie quotidienne malgache ou non. Par exemple, j’ai dédié une chanson aux paysans, on les oublie. On oublie leur souffrance, leur combat. Mais c’est grâce à eux qu’on mange. Leur vie ne change pas et ne s’améliore pas et ça me touche. C’est pourquoi je conseille, dans cette chanson, d’aller voir la vie des agriculteurs.
Midi : Y a-t-il encore des projets dans votre carrière ?
Rajery : Oui, beaucoup (rires). Un artiste a toujours cette envie de voyager et la soif de la rencontre. La rencontre amène toujours à certaines choses, car il y a le point de vue humain. Et si cela se passe bien au niveau humain, on peut retirer quelque chose de positif. J’ai envie d’aider d’autres artistes en préparant leur carrière artistique.
Propos recueillis par Stéphane Pierrard (Stagiaire)