
Le nouveau ministre des Affaires Étrangères compte apporter un nouveau souffle à la tête du ministère des Affaires Étrangères. Il veut accroître le rayonnement du pays à l’échelle internationale et promet de contribuer activement au développement.
Midi Madagasikara : Quelles sont vos priorités à la tête de la diplomatie malgache ?
Patrick Rajoelina : J’ai quatre priorités qui m’ont été fixées par le président de la République et le Premier ministre. La première c’est la diplomatie économique, la deuxième c’est le rayonnement de Madagascar à travers le monde, puis la diaspora qui est un élément très important sur le plan diplomatique, ainsi que la lutte contre la corruption qui est une des instructions du président de la République lors du premier conseil des ministres auquel j’ai participé le 15 août dernier.
M-M : Pouvez-vous développer ce que vous entendez par diplomatie économique ?
P-R : L’idée c’est que le ministère des Affaires Étrangères serve à aller chercher, avec d’autres, des investisseurs, et qu’on puisse parler également avec chacune des ambassades qui sont représentées à Madagascar, et éventuellement d’autres chefs d’entreprise à l’extérieur de Madagascar afin de pouvoir amener des emplois, et favoriser la création de richesses. Ma priorité fondamentale c’est l’emploi de nos compatriotes et le développement de notre pays y compris dans le cadre des infrastructures. Et la diplomatie économique sert à cela dans la mesure où nous sommes au premier poste au niveau de l’étranger pour capter l’attention des gouvernements et de celles et ceux qui souhaiteraient investir à Madagascar. Le ministère des Affaires Étrangères, en étant avec d’autres comme l’EDBM et d’autres ministères, a un rôle fondamental sur ce sujet.
M-M : Et qu’en est-il du rayonnement ?
P-J : Le rayonnement de Madagascar se fera à travers des manifestations sportives, culturelles, et diplomatiques. Il s’agit de faire systématiquement parler de Madagascar dans ces domaines. Il s’agit également d’un rayonnement au sein des instances internationales pour qu’il y ait des représentants de Madagascar. Notre pays se doit d’être sur la scène internationale et se doit occuper un certain nombre de postes dans les organisations internationales. Le rayonnement est de s’appuyer également sur la diaspora. Je sais que les associations, les ONGs, les personnalités, les écrivains, les danseurs, et les stylistes, ont beaucoup de choses à apporter en termes de rayonnement.
M-M : À votre niveau, les moyens disponibles sont-ils suffisants pour atteindre ces objectifs ?
P-J : Les moyens sont naturellement suffisants. Sur le plan humain, nous avons les fonctionnaires du ministère des Affaires Étrangères au sein des ambassades. Nous avons des ressources humaines mobilisées pour le rayonnement de Madagascar, la diplomatie économique ainsi qu’une diaspora forte. Au niveau humain, nous avons ce qu’il faut. Au niveau financier, il faut toujours beaucoup de moyens, mais dans le cadre d’un partenariat public-privé on peut faire de grandes choses. Par exemple, quand nous étions aux rencontres des entreprises francophones, nous avons emmené un certain nombre de chefs d’entreprise. Ces derniers nous ont permis de faire un grand dîner de gala où chacun a apporté ses produits. On peut donc faire des choses et l’essentiel c’est que nous soyons mobilisés sur ces missions fondamentales. En matière d’infrastructures, par exemple, on va mettre en place des commissions mixtes bilatérales qui vont permettre, avec chacun des pays qui le souhaitent, de mettre à plat notre coopération et d’identifier les domaines dans lesquels ces pays étrangers peuvent nous aider et dans quelle mesure nous pouvons les aider.
M-M : Qu’en est-il de la nomination des ambassadeurs ?
P-R : La nomination des ambassadeurs interviendra très rapidement dans la mesure où le président de la République m’a demandé de rédiger une fiche de poste pour les ambassadeurs mais également pour les consuls. Elle sera diffusée sur le site du ministère et de la Présidence de la République avec un appel à candidatures. On choisira des ambassadeurs compétents, qui pratiquent les deux langues officielles de Madagascar et auront obligatoirement un anglais courant.
M-M : La diplomatie malgache est déjà ouverte sur d’autres horizons en terme de partenariat, notamment avec les pays du BRICS. Cette orientation, à votre avis, impactera-t-elle les relations traditionnelles avec les pays occidentaux ?
P-R : Madagascar est l’ami de tous les pays. Lorsque nous développons une coopération, ma mission est d’aller chercher en tous lieux les moyens pour le développement de notre pays, des moyens pour l’émergence de Madagascar, des moyens pour le bien-être de nos compatriotes. Ma mission n’est pas de choisir tel ou tel interlocuteur. Nous avons besoin des autres pays. Ce que nous souhaitons c’est d’avoir le plus de coopérations possible, le plus d’amis possible. Nous avons, par exemple, beaucoup de choses à partager avec nos frères d’Afrique et du Maghreb. Mais nous avons d’autres choses à préparer aussi avec les pays d’Amérique Centrale ou d’Amérique du Sud.
M-M : Est-ce que Madagascar maintient encore sa position par rapport à la restitution des Îles Eparses, sujet évoqué par le président ?
Le président de la République n’a qu’un seul langage. C’est celui qu’il a eu le 19 mai 2019. Les « Nosy Malagasy » font partie de l’identité nationale Malagasy. Il y a, par ailleurs, la résolution de 1979 de l’Organisation des Nations Unies qui demande la restitution des « Nosy Malagasy ». Depuis les temps anciens nos frères Vezo et Sakalava allaient pêcher dans ces « Nosy Malagasy ». Sous la royauté, jusqu’au 30 avril 1960, ces îles « appartenaient » à Madagascar. À quelques jours de l’indépendance, le Général de Gaulle n’a pas souhaité intégrer les « Nosy Malagasy » à la restitution du territoire national après 64 ans d’occupation coloniale. La parole de Madagascar qui est portée par le président de la République est inchangée depuis le 19 mai 2019. Je vous renvoie à la déclaration du président Emmanuel Macron à propos des « Nosy Malagasy », et nous partageons la vision du président Macron. Dans ce sens, nous allons discuter très prochainement d’une deuxième session de la commission mixte franco-malgache.
M-M : Est-ce qu’il y a déjà une date précise pour la reprise des discussions ?
P-J : Cela dépend de l’agenda du pays hôte, c’est-à-dire de l’agenda du président Macron, et puis de mon homologue Jean-Yves Le Drian. C’est simplement une question d’agenda et non une question d’opportunité. D’après ce qui a été dit à l’Elysée et confirmé par son Excellence Christophe Bouchard, ambassadeur de France, ça devrait se faire au cours de l’automne européen.
Recueillis par Rija R.