Antsohery et Andolomikopaka, deux villages situés à environ 9km de Namakia, dans le Boeny, bordent les « ala honko », ces mangroves qui regorgent de crabes. Accessibles par voie maritime en trois heures à bord d’une embarcation motorisée et rapide, et difficiles d’accès par voie terrestre. Les communautés y exercent l’activité de pêche aux crabes depuis des générations. Les techniques de pêche (usage de filets et de crochets), n’ont quasiment pas changé. Ici, on est pêcheur de crabes de père en fils, de mère en fille et certains enfants s’initient à cette activité dès l’âge de 8 ans.
Mais l’activité est, depuis peu, en déclin : la surexploitation guette le secteur. La nouvelle approche concernant les pertes post-capture (PPC) a permis d’atténuer les pressions subies par les ressources. Julienne Razafindrafara, ancienne habitante d’Andolomikopaka, devenue collectrice de crabes dans les deux villages voisins, témoigne : « Maintenant que les chinois achètent nos produits très chers, les pêcheurs veulent aussi de meilleurs prix. D’où l’arrivée de nombreux exploitants opportunistes qui ne respectent pas les règles. Les prises baissent mais nous ne craignons pas encore le tarissement des crabes, même si cela risque d’arriver si nous ne faisons rien pour l’éviter ». Avec l’adoption des nouvelles techniques de pêche et de transport, les choses commencent à changer. « Avant, sur 100 crabes pêchés, la moitié, ou au moins 30 sont morts avant d’avoir atteint leur destination auprès de nos clients. Aujourd’hui, avec la mise en application des recommandations comme l’utilisation de cages-viviers et de pirogues à étagères, il n’y a quasiment plus de pertes. Au pire, nous enregistrons 1% de mortalité. Mais les crabes continuent à être surexploités », ajoute-t-elle. Chaque pêcheur d’Antsohery arrivait à produire jusqu’à plus de 60kg par semaine il y a encore quelques années. Aujourd’hui, les captures tournent autour de 30kg par pêcheur par semaine. Julienne Razafindrafara, pour sa part, collecte 800kg de produits par semaine dont 370kg sont vendus aux asiatiques à Ar 8 000 le kilo et le reste, cédé aux sociétés d’exploitation locales à Ar 2 500 ou Ar 3 000 le kilo. Pour elle, le temps des deux tonnes de crabes collectés par semaine est déjà bien loin. L’espoir est, cependant permis, avec la mise en place de la LMMA (locally managed marine area), zones gérées au niveau local. Les communautés mettent elles-mêmes en place des règles visant à mieux gérer les ressources. C’est à ce titre que des périodes de fermetures et d’ouverture de pêche peuvent être instituées par les villageois, en dépit de l’inexistence de lois qui les contraignent à le faire. A Antsohery, la pêche est fermée de la mi-décembre à la mi-février, mais certains pêcheurs nouvellement en quête d’argent facile font fi de ces règles et compromettent les résultats des efforts des villageois. Eux qui rêvent d’une vie meilleure que celle de leurs aînés, tout en restant des pêcheurs de crabe.