Les personnes en situation de handicap sont nombreuses à Madagascar. Malgré leur grand nombre, elles vivent quotidiennement la discrimination, malgré la ratification de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, par le pays. L’Etat malgache doit encore redoubler d’efforts pour que les PSH puissent jouir pleinement de leurs droits.
Madagascar a déjà ratifié la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (Cirdph), fruit des efforts menés par les diverses associations et Ong qui luttent pour la promotion des droits des personnes handicapées pendant plus d’une dizaine d’années. Pourtant, le combat des personnes en situation de handicap (PSH) continue toujours. Et la victoire absolue n’est pas encore pour demain ou après demain, malgré cette ratification. Cette victoire devrait pourtant signifier: éradication de toutes les formes de discrimination au niveau social et professionnel qui empêchent les PSH à prendre en main leur avenir, et à prendre part avec facilité à toutes les activités visant un développement local, et national. Il existe des milliers, voire des millions de PSH à Madagascar. Sauf que leur nombre exact n’est pas encore connu. Néanmoins, l’on sait qu’environ 10% de la population de la Grande île sont toutes des personnes handicapées. L’on entend par PSH toute personne qui représente une déficience congénitale ou acquise dans ses capacités physiques, mentales ou sensorielles. Ce qui l’empêche de mener une existence normale vis-à-vis de la société.
La ratification de cette convention a réjoui toutes les associations et plateformes qui luttent pour la promotion des droits des personnes handicapées. «Désormais, l’Etat est déterminé à mettre en œuvre l’intégralité du contenu de cette Convention», a d’ailleurs souligné Eléonore Johasy, quand elle était encore à la tête du ministère de la Population, de la Protection sociale, et de la Promotion de la Femme (MPPSPF). Elle n’a pas manqué de citer, entre autres, l’accès des PSH à un épanouissement personnel, à l’éducation, aux services de soins et de santé, à la libre circulation dans les bureaux administratifs, etc. Mais jusqu’à maintenant, les efforts entrepris par l’Etat dans l’application des droits des PSH sont encore loin d’être satisfaisants.
Aéroports et hôpitaux. Pour preuves, même l’accès des PSH au niveau des différents ministères n’est pas encore facilité. Dans ces endroits, les infrastructures adaptées aux personnes handicapées sont quasi inexistantes. Par ailleurs, seuls les hôpitaux et les aéroports sont dotés d’infrastructures permettant de faciliter la circulation et l’accueil des PSH. Et toujours à ce sujet, ni les arrêts de bus ni les bus ne permettent aux PSH de bénéficier d’une faveur particulière, en tant que personnes vulnérables. Par ailleurs, les places réservées aux personnes vulnérables dans les bus ont cessé d’exister depuis plusieurs années.
Incompétents…? En outre, faut-il rappeler que les personnes handicapées sont perpétuellement victimes de discrimination en termes d’emploi? Malgré les différents programmes mis en œuvre par l’Etat malgache, seule une PSH sur 20 est acceptée aux tests d’embauche. Et pire, les personnes handicapées n’ont pas non plus leur place au sein des entreprises privées. Même avec leur certificat ou leurs diplômes de fin d’études, elles sont souvent jugées incompétentes par bon nombre d’entreprises privées malgaches. Ainsi, Mahandry Andrianainarivelo, directeur du Centre national de formation professionnelle pour les personnes en situation de handicap (CNFPPSH) de sensibiliser les entreprises à encourager le recrutement des personnes handicapées. «Il ne faut pas juger par l’apparence, mais par la compétence», dit-il.
Encore loin. Bien que dans son article 16, la loi n° 97-044 sur les personnes handicapées stipule que: «L’Etat malgache assure l’accessibilité à toutes personnes handicapées des mesures de réadaptation professionnelle. Cette dernière a pour objectif d’offrir aux personnes handicapées la possibilité d’obtenir et de conserver un emploi convenable et progresser professionnellement», la réalité dans laquelle vivent les PSH à l’heure actuelle semble prouver à quel point cette loi n’est pas encore appliquée. Pour sa part, Fela Razafinjato, présidente nationale de l’Association des Femmes Handicapées de Madagascar (AFHAM) que le pays ne rate presque jamais ces signatures et ratifications des conventions et différents programmes internationaux contenant des volets spécifiques aux PSH. «Mais c’est toujours au niveau de leur application qui pose problème», se désole-t-elle.
Rappelons que la Journée mondiale des PSH est célébrée tous les 3 décembre de chaque année. A travers le décret 2001-162 du 21 février 2001 relatif aux droits des handicapés, il est rappelé que l’Etat a des responsabilités et des devoirs en vers les personnes handicapées. Cela se fait avec l’appui des membres de la société civile, des associations et Ong, et vise la promotion de la protection des PSH. Sauf que jusqu’ici, ce sont ces associations diverses qui font le gros du travail.
Projet Mirazo : Le HI et le PFPH/Mad ensemble pour promouvoir les droits des PSH. Une convention de partenariat a été signée entre Handicap International et la Plateforme des Fédérations des Personnes Handicapées de Madagascar (PFPH/MAD) pour la mise en œuvre du projet «Mirazo», cofinancé par l’Union Européenne et le Handicap International. C’est un projet qui appuie le mouvement du handicap pour la promotion et le suivi de l’application de la Convention Internationale relative aux Droits des Personnes en situation de Handicap (CIDPH), ratifiée par Madagascar en 2014, ainsi que du Plan National d’Inclusion de Handicap (PNIH). Le principal objectif est de faire participer les PSH à la mise en œuvre effective et au suivi des politiques publiques, au niveau national et local, conformes aux principes visés par ladite Convention. Formation et développement des compétences de la PFPH/MAD, la création d’un Observatoire du Handicap au sein de la PFPH/MAD, sont entre autres les grandes lignes de ce projet qui durera 30 mois.
Fabienne, malvoyante : La discrimination m’a fait perdre mon travail. Ayant travaillé dans une agence nationale de la protection de l’environnement, Fabienne, une malvoyante, a accepté de témoigner sur la façon dont elle a perdu son travail, à cause de son handicap. «Mes responsabilités m’ont été retirées une à une. Et peu à peu, j’ai perdu contact avec la clientèle de l’entreprise. Même topo pour les nombreux dossiers que j’avais sous ma responsabilité. Plus le temps avance, plus j’ai vécu une ambiance détestable. Sans parler des insultes que j’ai du supporter tous les jours… Mais au fil du temps, j’ai fini par céder et j’ai tout perdu».
Ong Lalana : Le Projet Lalana avance… Contre vents et marée, les associations et ONG ne ménagent pas leurs efforts pour la promotion des droits des PSH. C’est le cas avec le Projet Lamina «Lalanjotra Miaty Namana», cofinancé par l’Union Européenne et l’Ong Lalana, mis en œuvre dans la Commune Urbaine d’Antananarivo (CUA). Ce projet vise la facilitation de la mobilité des PSH et de leur accès aux transports en commun par le biais des actions de plaidoyer auprès des responsables sur tous les échelons. 25 associations sont mobilisées dans ce projet pendant les deux ans de son exécution. A seulement quelques mois d’entrée en action, quelques progrès ont été déjà enregistrés, à ne citer que la volonté des différents responsables des unions des coopératives des transporteurs urbains et suburbains à adhérer à la lutte. On peut également citer l’approbation du ministère des Transports, ainsi que des agents de la police municipale à prendre part au mouvement, en programmant des actions privilégiant les PSH. Aussi, les chauffeurs et receveurs sont formés sur la notion de PSH et PMR (personnes à mobilité réduite: femme enceinte, personnes âgées, personnes transportant de lourdes charges,…). Et il est également question de faire réapparaitre les places réservées dans les taxis-be. Jusqu’ici, le projet Lamina va dans le bon sens. Mais il est à préciser que ce sont les PSH elles-mêmes qui vont prendre en main les activités de sensibilisations après avoir été formées davantage sur les techniques de plaidoyer par l’équipe du projet Lamina. «Nous leur offrons tous les moyens nécessaires pour l’identification des personnes à consulter, les messages à faire passer, les connaissances sur le leadership et le coaching, etc. Il leur appartiendra après de créer leur propre stratégie pour que leur lutte aboutisse», a souligné Nathalie Rasamison de l’ONG Lalana.
Dossier réalisé par Arnaud R.